L’esprit des lumières
Le XVIIIe siècle est un siècle marqué par le centralisme des Bourbons.
La plupart des textes produits dans le panorama littéraire basque
sont toujours des livres pieux écrits par le clergé. Ils constituent
l'origine et le premier développement de la prose en langue basque.
Le leadership des lettres passe du Labourd au Gipuzkoa, et la
nouvelle conscience de la langue présente chez les écrivains basques
depuis Etxepare, est systématisée dans des oeuvres telles que
grammaires, dictionnaires et apologies de l'euskara. Par ses idées et
ses préoccupations, Manuel de Larramendi fait figure à cet égard de
précurseur des idées des Lumières qui trouveront un relais, plus
tard, dans la Real Sociedad Bascongada de Amigos del País.
126. La splendeur vécue par le Pays basque nord au XVIIe siècle est
ternie par la perte de Terre-neuve et d'autres territoires d'outre-mer
au Traité d'Utrecht (1713). Ce dernier suppose une notable perte de
substance de l'industrie de la pêche et du commerce du Labourd,
florissant jusqu'à cette époque. On doit y ajouter la chute d'une
place historique comme Port-Royal, aujourd'hui dans la province de
Nouvelle-Ecosse (Canada), qui passe alors à la couronne anglaise. 127. Blason d'armes de Navarre à l'entrée de Port-Royal, premier
établissement européen permanent au nord de la Floride (1610). 128. Manuel Larramendi (1690-1766), écrivain, prêtre, philologue et historien,
est véritablement celui qui impulse la langue et la culture basques
au siècle des Lumières et le premier folkloriste basque. En 1729, il publie
El imposible vencido o Arte de la Lengua Bascongada, grammaire rédigée
à partir du castillan, et son Diccionario trilingüe del Castellano, Bascuence
y Latín (1745) devient bientôt une référence de tout premier ordre
pour les hommes de lettres de l'époque. Ses préoccupations linguistiques
- origine du langage, parenté, langue universelle – sont partagées par les
intellectuels de son temps. 129. Devant la promulgation des Decretos de Nueva Planta par lesquels
Philippe V se charge d'imposer le castillan comme langue générale
dans la sphère publique, la réaction de défense à outrance des
fueros est immédiate au Pays Basque, et Manuel de Larramendi décide
de publier Sobre los fueros de Guipúzcoa (1756-1758), son projet
des Provinces unies des Pyrénées, qui prend position en faveur de l'u-
nion des territoires de langue basque. 130. Agustin de Kardaberaz, d'Hernani, Sebastián de Mendiburu, d'Oiartzun et Joaquin Lizarraga, d'Elkano, sont considérés membres
de l'école de Larramendi. Sous l'influence de celui-ci, ils écrivent
en euskara et se dédient à la prédication. 131. Au XVIIIe siècle, la plupart des livres pieux publiés en euskara sont
des traductions ou des adaptations de classiques de la littérature ascétique. 132. Ce siècle voit se développer la Pastorale, genre théâtral traditionnel
originaire de Soule, arrivé jusqu'à nos jours et dont l'origi-
ne se perd dans les Mystères du Moyen ge. Ces derniers évoluant
vers un théâtre rural qui narre la vie des saints, des rois ou empereurs
du Moyen ge. Sainte Elisabeth de Portugal, écrite à Eskiula en
1750, estle manuscrit le plus ancien que l'on conserve. 133. Le médecin et écrivain Joanes Etxeberri, (Sare, 1668-1724) représente
l'esprit des Lumières dans sa préoccupation pour l'analphabétis-
me des bascophones, et la défense de la langue basque. Outre son
Diccionario cuatrilingüe, dont on a perdu la trace, il écrivit une grammaire
bilingue pour apprendre le latin Euscalherriari eta Euscaldun guztiei
escuarazco hatsapenac latin icasteco (1713), Escuararen hatsapenac
et LauUrdiri Gomendiozco Carta edo Guthuna, (1718), deux apologies
de la langue basque. 134. Comte de Peñaflorida. 135. La Real Sociedad Bascongada de Amigos del País naît à Azkoitia en
1764. Les idées des Lumières penètrent au Pays Basque péninsulaire à
travers son inspirateur, Francisco Xavier María de Munibe e Idiaquez,
Comte de Peñaflorida, qui en est le chef de file. L'un des Caballeritos de
Azkoitia dont l'objectif était le développement des sciences, mais aussi
de mettre en valeur et de cultiver la langue basque. Peñaflorida en personne
composera El borracho burlado (1764), oeuvre comique mêlant
des dialogues en castillan et des chants en euskera. Ses Gabon sariac
(1762) et Gabonetako ikuskizuna, de Pedro Ignacio de Barrutia, sont les
premiers textes dans l'histoire du théâtre basque. 136. IRURAC BAT, devise de la Real Sociedad Bascongada de los
Amigos del Pais. 137. La Poésie du XVIIIe siècle. Dans le manuscrit Bertso zahar eta
berri zenbaiten bilduma 1798, on trouve des compositions qui parlent
des périls de la mer ainsi que des voyages des morutiers à Terre-neuve
: Partida tristea Ternuara, Itsasoco perillac et Ternuaco penac. Au Pays
basque nord, l'influence des mélodies françaises est claire dans Othoitce
eta Cantica Espiritualac Çubero Herrico, 1734, en souletin, et Cantica
espiritualac, Bayonne, 1763, en labourdin. 138. Carte allemande datant de 1730 de Gottfried Hensel, contenant
le début du Notre Père dans les langues vernaculaires de l'époque, écrit sur le territoire approximatif de chacune de ces langues.
Gure aita cerue tan aicena... 139. En Navarre, deux tiers des bourgs et villages parlent la langue
basque au XVIIIe siècle, dont la limite méridionale passe par Tafalla. 140. En 1778 les receptores bascongados (experts judiciaires bascophones)
de l'évêché navarrais répondent à la tentative de réduire
le nombre de bascongados et d'augmenter celui des romançados
(qui parlaient la langue romance, ou castillan). 141. Côtes de Terre-Neuve. 142. Mousquetaire. 143. Avec la Révolution française (1789), les territoires de langue basque
du Pays basque nord sont rattachés au régime commun français.
Leur chef-lieu et leurs organes administratifs sont installés à Pau. Le
français devient langue unique, tandis que le basque fait partie des
patois à annihiler (1794). 144. Château d'Andurain. Mauléon. 145. Barandiaran démontre qu'à la fin du XVIIIe siècle, l'euskara
était parlé dans une bonne partie d'Araba, y compris plusieurs villages
du vicariat de Vitoria. Etxebarri.