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Bertan 24

Le chagement de siècle


On entre dans le XXe siècle. Le pays vit un profond changement social et économique qui apporte avec lui l'industrialisation. La société agricole traditionnelle cède le pas devant l'hégémonie du monde urbain, à l'ombre duquel grandit une couche intellectuelle soucieuse de voir renaître la langue basque. C'est l'époque des Azkue, Campion et Urkijo, figures-clé d'un mouvement qui encourage la recherche historique et linguistique, la littérature et la vie associative autour de la défense de la langue. En plein essor de l'i- déologie nationaliste, on voit grandir la revendication et la fierté pour la spécificité avec la floraison de revues en euskara, de poésies et de chansons, de jeux floraux et des fêtes euskaras.

161. La montée en puissance de l'industrialisation affecte en particulier Bizkaia et Gipuzkoa, avec une croissance industrielle et minière très notable dans l'aire métropolitaine de Bilbao. La demande en main d'oeuvre draine en Biscaye un flux migratoire des provinces voisines et la difficulté d'absorber les nouveaux arrivants se traduit, à son tour, par des tensions sociales ainsi que par la primauté du castillan sur l'euskara. 162. L'histoire et la linguistique seront les domaines d'Arturo Campion (Pampelune, 1854-1937). Alternant le visage de l'homme politique, du linguiste et de l'écrivain, dans son oeuvre aux multiples facettes, il embrasse la phonétique, la grammaire et la dialectologie de la langue basque. Non content d'écrire des contes, des légendes et roman historiques, il contribue à la recherche. Celle-ci dans son cas est considérée de premier ordre, notamment avec sa Gramatica de los cuatro dialectos literarios de la lengua euskara, de 1884. Il sera l'un des quatre fondateurs d'Euskaltzaindia, avec Urkijo, Azkue et Luis de Eleizalde. Il contribue également à mettre sur pied l'Association Euskara de Navarre (1877), aux côtés d'autres navarrais illustres. 163. En 1895, ce sont les quatre Députations d'Araba, Bizkaia, Gipuzkoa et Navarre qui, devant l'interdiction absolue dont est frappée la langue basque dans les écoles, demandent instamment au ministre de Fomento (du gouvernement Cánovas del Castillo, sous le règne d'Al- phonse XII) qu'il soit exigé des maîtres une connaissance de l'euskara afin de pourvoir les postes vacants dans l'enseignement primaire. 164. En 1901, une circulaire du gouverneur civil de Navarre, Benito Francia, prévient les maîtres d'écoles de la zone bascophone en Navarre, que l'emploi de la langue native leur est formellement interdit et qu'il n'y a lieu à enseigner aucune matière, dans une langue autre que le castillan, puisque telle est la langue à l'usage dans l'intérêt de la patrie. 165. A l'aube du XXe siècle, dans les grands centres urbains, le monde de l'administration et des études, l'espagnol et le français sont langues dominantes. Cela étant, c'est précisément dans les zones urbaines que se font jour les premiers mouvements visant à revitaliser l'euskara, autour des intellectuels de l'époque. (Huile d'Aurelio Arteta). 166. José María Iparragirre Balerdi, (Urretxu, 1820-1881), musicien et bertsolari, considéré comme le barde basque. En plein Romantisme, il s'enrôle dans les troupes carlistes (1835) et aux côtés des révolutionnaires français (1848), puis part en exil en France et en Argentine. Pendant toute sa vie agitée, il n'aura cesse de composer et de chanter en euskara. Le zortziko Gernikako Arbola (1853) compte parmi ses compositions les plus connues. 167. L'anneau servant de mode de punition représente le symbole parfait de l'interdiction qui frappait la langue basque hors du foyer familial et, tout particulièrement, à l'école. Joxe Miel Barandiaran narre en ces termes son expérience d'enfant en 1890 : quand le maître entendait quelqu'un parler en basque, il lui confiait un anneau; cet anneau passait de l'un à l'autre, à mesure que les fautes se produisaient (…), l'élève puni se sentait mis à l'écart, évité par ses camarades. Habité par la hantise des coups qui l'attendaient, l'élève qui avait le triste privilège de porter le symbole à la fin de la semaine était durement châtié. 168. Xareta. Labourd. 169. En Californie, deux journaux en euskara. Escualdun Gazeta (1885), édité à Los Angeles par l'avocat Martin Biskailuz, s'adres- sant à la communauté basque de la ville (son fils Eugène, fut le shériff de Los Angeles le plus longtemps en poste), et l'hebdomadaire Californiako Eskual Herria (1893), de Jean Pierre Goytino, qui fut publié pendant six ans. 170. Julio Urkijo Ibarra (Deusto, 1871-1950), spécialiste de droit et de linguistique, érudit des dialectes et proverbes, expert en bibliographie basque. Il rassembla près de 11.000 ouvrages, manuscrits et publications d'Euskal Herria. Il créa la Revista Internacional de Estudios Vascos, RIEV (1907), qui devint la meilleure vitrine de la culture et la science basques. Aux côtés d'Azkue et Aranzadi, il créera la revue scientifique Euskalerriaren alde (1911). Vice-président d'Eusko Ikaskuntza jusqu'en 1930, il sera l'un des quatre fondateurs d'Euskaltzaindia. Il en dirigera la bibliothèque et la section destinée à la recherche. Sa bibliothèque, déposée au Koldo Mitxelena Kulturunea, à Saint-Sébastien, appartient à la Députation forale de Gipuzkoa; où l'on peut la consulter. 171. Sabino Arana Goiri (Abando, 1865-1903), est l'idéologue du nationalisme basque indépendantiste. Fondateur du Parti nationaliste basque, et créateur – avec son frère Luis – de la ikurriña (le drapeau basque). Persuadé de la nécessité d'une création littéraire en euskara pour le développement d'une culture propre, il produira en personne une oeuvre abondante sur la langue, la politique, l'histoi- re et la littérature, et fonde plusieurs journaux. Cela lui vaudra la prison à deux reprises, ses publications seront interdites et son batzoki fera le coup d'une mesure de fermeture. L'euskara représentait pour lui l'un des éléments identitaires de la patrie basque. Il sera précurseur et défenseur à outrance du purisme lexical. 172. Resurrección María de Azkue. Tout à la fois écrivain, linguiste et chercheur de folklore (Lekeitio 1864-1951), il voit très tôt la nécessité de disposer d'une Académie de la langue basque. Il sera l'un des fondateurs d'Euskaltzaindia, qu'il préside de 1919 à 1951. Ses travaux inaugurent l'étude scientifique de l'euskara, avec sa Morfología vasca (1923-1934) et les enquêtes auprès des locuteurs Erizkizundi Irukoitza (1922). Son oeuvre colossale touche à des domaines aussi divers que la musique, le théâtre, le roman, le journalisme et la didactique. On retiendra son Diccionario Vasco-Español-Francés, 1905, el Cancionero popular vasco, Euskal Erriaren Yakintza (1935-47), et d'autres oeuvres basées sur le folklore du Pays basque. 173. Segura.
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