Dans la période 1956-1968, la pression de la dictature paraît se relâcher
au Pays Basque. Le boom de l'industrie a pour corollaire l'irrup-
tion sur la scène politique et sociale d'une jeune classe ouvrière disposée
à en découdre sur le terrain politique et des luttes sociales. La récupération
de l'euskara et de la culture basque devient un élément de
cohésion dans le sillage duquel, esquivant l'omniprésente censure,
s'engouffre toute une génération d'artistes et d'auteurs-interprètes. Les
ikastolas commencent à fleurir, surtout en Biscaye et au Gipuzkoa. En
1968, L'académie de la langue basque réunie à Arantzazu décide de
s'engager dans la tâche d'unification de la langue, le basque unifié ou
euskara batua. Il s'agit de l'une des étapes les plus vitales et les plus créatives
pour la culture basque.
234. La revue Jakin (1956) voit le jour à l'instigation d'un groupe de
franciscains du séminaire d'Arantzazu. Sa thématique s'élargit de
l'enseignement et la religion aux questions socio-politiques. Interdite
de 1969 à 1977, elle continue d'être éditée sous forme de bimensuel
dans le domaine de la pensée et de la culture. Elle maintient la collection Jakin irakurgaiak. 235. Le gouvernement basque en exil organise à Paris le Congrès
mondial basque en 1956, qui engage la réflexion sur le Pays Basque
face à la politique, aux questions de société, d'économie, de culture
et à la diaspora. Xabier Landaburu et Jokin Zaitegi proposent la
création d'une commission permanente sur la grave situation que
traverse la culture basque. 236. En attente de leur régularisation, nombreuses sont les ikastolas
qui décident de fonctionner en tant qu'établissements privés ou
sous contrat avec l'Eglise catholique. La première à être autorisée le
sera en 1966 – la ikastola Azkue, à Bilbao- mais en 1975, on compte
166 établissements pour les quatre territoires du Pays basque sud,
qui regroupent 30.000 élèves. Les difficultés financières et juridiques
en font un mouvement populaire auquel enseignants, élèves
et parents d'élèves prennent toute leur part. 237. En 1956, l'académie de la langue basque (Euskaltzaindia) tient
son premier Congrès à Arantzazu. Elle reprend ses activités au
grand jour, avec une nouvelle génération de collaborateurs. Fermée
depuis 1936, sa revue Euskera reparaît avec des signatures comme
Altube, Tovar, Villasante, Txillardegi, Lekuona, Mitxelena et Lafon. 238. On assiste à la naissance des principales maisons d'édition qui
vont compter dans la culture basque : Auñamendi (1958), des frères
Estornes Lasa et Auspoa (1961), d'Antonio Zavala. Elles seront
suivies à la fin des années 1960 par Gordailu, Lur, Irakur Sail, Etor,
Jakin, Iker, Gero, Kardaberaz et Kriselu. 239. Itxaropena compte parmi les plus anciennes maisons d'édition de
textes en euskara. Fondée à Zarauz en 1932, elle a survécu à la guerre
et, depuis 1952, publie la collection Kulixka Sorta, aux côtés d'auteurs
classiques et des nouvelles générations. De ses ateliers sortent de nombreuses
traductions de la littérature universelle et La Enciclopedia General
Ilustrada del País Vasco de la Maisons d'Edition Auñamendi. 240. Le sculpteur Jorge Oteiza et sa pensée artistique et philosophique
sera – et continue d'être – une référence pour le monde de la culture basque.
Fondateur du groupe Gaur (1966) et de l'Ecole d'art de Deba (1970)
qui affiche ses ambitions d'impulser l'art basque en unifiant toutes ses disciplines.
Il donne également son nom au groupe Ez Dok Amairu. Expression
qui signifie que la culture basque a enfin conjuré le maléfice. 241. Dans les années 1960, l'art basque connaît un moment d'explo-
sion créative dont témoignent les Groupes de l'Ecole basque. Parmi les
plus influents le groupe Gaur, qui réunit en 1966 des grands noms de
la sculpture comme Eduardo Chillida, Nestor Basterretxea, Remigio
Mendiburu et Jorge Oteiza, aux côtés de peintres tels que Jose Luis
Zumeta et Jose Antonio Sistiaga. Son implication dans la vie culturelle
et politique sera profonde, à l'image de Chillida, qui créera les logos
pour l'Université basque, l'association pour une côte basque non
nucléaire, les Gestoras pro Amnistía ou la Kutxa. 242. Le groupe Ez Dok Amairu (1965-1973). La chanson de protestation
sociale et politique fait irruption dans les salles de concert ou les
festivals en plein air. Reprenant des thèmes du répertoire basque, de
poètes comme Lizardi, en composant de nouveaux. Joxe Anton Artze,
Jexux Artze, José Angel Irigaray, Lourdes Iriondo, Mikel Laboa, Julen
Lekuona, Benito Lertxundi et Xabier Lete chantent la soif de liberté de
la nouvelle société basque. Affiche de Nestor Basterretxea. 243. A Noël 1956, l'Olentzero arrive à Pampelune dans la liesse
populaire. Premier noël traditionnel en ville sous le franquisme à
l'initiative de la Jeunesse de San Antonio. 244. En 1965, la Ière Foire du Livre et du Disque basque se tient sous
le portique de l'église de Durango. Au total, ce sont 25 maisons d'édi-
tion qui répondent à l'appel de la Sociedad Gerediaga, avec l'appui des
4 diputaciones d'Araba, Bizkaia, Gipuzkoa et Navarra. La Foire conquiert
ses lettres de noblesse. Devenue la vitrine et le carrefour de la
culture basque, ce sont plus de 150 maisons d'édition et de maisons
de disques qui voient affluer, chaque année, quelque 250.000 visiteurs. 245. La chanteuse interprète Lourdes Iriondo (Donostia, 1937-2005). 246. Le poète et auteur-interprète Xabier Lete (Oiartzun, 1944-2011)
commence très jeune à collaborer à Zeruko Argia. Figure de proue du
groupe Ez Dok Amairu, il incarne la nouvelle chanson basque et la popularisation
de la poésie en euskara. Du premier recueil de poèmes
Egunetik egunera orduen gurpilean (1968) au dernier, Egunsentiaren
esku izoztuak (2008) le lyrisme de Lete égrène ses préoccupations vitales,
axées sur l'amour, la mort, la politique ou la patrie.