En 1975, Franco meurt; la dictature prend fin. La Constitution espagnole
est approuvée en 1978, quoique les résultats entre "non" et abstention
dépassent la barre des 50% au Pays Basque. Le sentiment majoritaire
à l'époque était que le texte constitutionnel ne prenait pas en
compte les aspirations d'une large frange de la société. Avec l'appro-
bation du statut de Gernika en 1980, l'euskera prend rang de langue
pleinement officielle sur l'ensemble du territoire de la communauté
autonome basque, ce qui ne se produit ni en Navarre ni au Pays Basque
continental. La culture basque entame ainsi un dernier quart de siècle
caractérisé par de grands changements : normatifs, sociaux et éducatifs.
La société se met à la langue basque, l'université en fait de même,
tout comme la télévision. Les revues littéraires deviennent un laboratoire
d'écriture pour les grands auteurs contemporains.
274. Le Conseil général du Pays Basque (1978-1980) montre la voie
vers le Statut d'Autonomie promulgué à Gernika en 1980, et la
constitution du premier gouvernement basque, que présidera
Carlos Garaikoetxea (Parti nationaliste basque, EAJ-PNV). Avec le
statut, l'euskara se pose en langue à part entière et son statut
devient celui d'une langue officielle au sein de la Communauté
autonome basque, au même rang que le castillan. 275. En mai 1980 paraît la revue Oh Euzkadi!, qui pendant une
année aura été un supplément de Zeruko Argia. 276. L'écrivain Koldo Izagirre et Joseba Irazu (Bernardo Atxaga) lancent
Ustela (1975). Une revue qui, le temps de six numéros, montre au grand
jour son engagement au service de la littérature. Cette aventure, loin d'ê-
tre la seule, sera suivie d'autres comme Pott (1980) qui réunira Atxaga,
l'auteur-interprète Ruper Ordorika, ou les poètes Manu Ertzilla, Joseba
Sarrionandia et Jon Juaristi. A Saint-Sébastien, ils créent des publications,
Susa (1979) et Oh Euzkadi!, dans laquelle Izagirre et Ramon Saizarbitoria
poursuivent l'aventure commencée avec Ustela, tandis qu'en Pays
Basque nord Maiatz (1982) fait figure de référence. 277. BAI EUSKARARI. Euskaltzaindia organise la campagne Bai
Euskarari (Oui à l'euskara), avec pour objectif la promotion de l'eus-
kara et la collecte de fonds. L'artiste Nestor Basterretxea se charge de
dessiner l'anagramme. 278. Depuis la mise en route de l'autonomie, le gouvernement basque
juge que la télévision et la radio doivent jouer un rôle-clé pour la survie
et la normalisation de la langue basque. Euskal Irrati Telebista (EITB),
la radiotélévision basque, émet pour la première fois le 31 décembre
1981. Sa première chaîne depuis ce jour émet intégralement en euskara.
Depuis 2001, on peut voir ETB SAT dans toute l'Espagne et en
Europe. De son côté, Canal Vasco émet pour l'Amérique, ETB 1 –en
euskara–, ETB 2 –en espagnol– et depuis 2008, une petite dernière,
ETB3, qui est une chaîne pensée pour les jeunes et les loisirs. 279. Anagramme de la télévision basque. 280. La littérature en basque vit ces années-là au rythme des avants
gardes, années d'expérimentation et d'audace dans l'expression, tant
en poésie qu'en littérature narrative. De 1970 à 1980, des noms s'im-
posent, dont ceux de Koldo Izagirre Zergatik bai, Ramon Saizarbitoria
Ehun metro, et Arantxa Urretabizkaia Zergatik Panpox. 281. Jon Zabaleta, (Hernani, 1950). Cet illustrateur infatigable joue un
rôle de transmetteur du patrimoine culturel et de l'imaginaire basque
par le biais de son solide travail comme affichiste et dessinateur pour
d'innombrables publications. Pochette du disque Txano Gorritxo. 282. La présence de l'euskara dans la toponymie sera l'une des pistes
de recherche pour retracer les origines et l'évolution de la langue.
Le chercheur José Maria Jimeno Jurío (Artajona, 1927-2002) se
fonde sur cette présence pour mener une large part de son travail
considérable sur la langue basque en Navarre. 283. La Navarre vote sa Ley de Reintegración y Amejoramiento del Régimen
Foral (1982), qui déclare officiel l'euskara dans les zones bascophones.
En 1986, la Ley Foral del Vascuence divisera la Navarre en trois
zones linguistiques : zone bascophone, au nord-ouest, dans laquelle
l'euskara est officiel; zone "Mixte", qui comprend Pampelune où l'on
retrouve le plus grand nombre de locuteurs; enfin zone non bascophone,
autrement dit, le sud de la Navarre, pour lequel il n'est envisagé
aucune reconnaissance. Ce zonage détermine également les modèles
d'enseignement public et la présence de l'euskara dans chacun. 284. Olariaga est le créateur du populaire héros de BD Zakilixut,
publié pendant des années dans les journaux Egin, Egunkaria et Berria. 285. Dans le domaine de la photographie, de nouveaux créateurs
comme Sigfrido Koch (Saint-Sébastien 1936-1992) ou les frères Egiguren
(Saint-Sébastien 1936 et 1938), contribuent à la diffusion d'une nouvelle
esthétique de l'âme basque. Photographie de Sigfrido Koch, 1979. 286. La maison de production Bertan Filmeak présente ces annéeslà
les Ikuska, courts-métrages dans lesquels les valeurs montantes
du cinéma basque traitent des thèmes d'actualité. Xabier Agirresarobe,
Antton Ezeiza, Koldo Izagirre, Mirentxu Loiarte, Juanba Berasategi,
Vicente Carda, Montxo Rejano ou Jose Luis Zabala signent
en euskara des films pensés pour informer, former (de nouveaux professionnels) et standardiser la langue basque. 287. Le magazine Ipurbeltz voit le jour en 1977. Edité par Erein il
sera publié jusqu'en 2008. S'adressant à un public d'enfants et d'a-
dolescents, il deviendra le doyen des magazines de BD en euskara.
Il réunit des signatures comme celles d'Anjel Lertxundi, Ion Zabaleta
et Antton Olariaga. 288. José María Sánchez Carrión (Carthagène, 1952), Txepetx, philologue
et linguiste, entreprend dans ces années-là des recherches
sur la situation de l'euskara, le bilinguisme et la diglossie en se basant
sur la réalité sociolinguistique en Navarre. Son travail, en particulier
Un futuro para nuestro pasado: claves de la recuperación
del euskara y teoría social de las lenguas (1987), sera de toute première
importance en ce moment historique, de par la nouvelle
analyse qu'il propose. Txepetx développe en effet un modèle linguistique
bien à lui (l'hololinguistique), qui se fonde sur les données
sociolinguistiques en y joignant les perspectives sociale, psychologique
et éthique. Une langue ne se conserve pas, elle s'utilise –
prône Txepetx–. La conserver, d'une certaine mesure, c'est déjà la
condamner. Nous devons rendre le vascuence nécessaire. 289. Dans le domaine de la musique en euskara, après les auteursinterprètes,
on voit se produire d'autres groupes novateurs de qualité,
comme Haizea (1977), Izukaitz (1978), Errobi (1976) ou Itoiz (1978). 290. La EHU-UPV naît en s'appuyant sur l'Université autonome de
Bilbao de 1968. Elargissant le district universitaire jusqu'en Araba et
Gipuzkoa, en 1980, celle-ci devient l'Université du Pays Basque. L'u-
tilisation, la promotion et l'apprentissage de l'euskara sont reconnus
objectifs prioritaires au sein de l'EHU-UPV. Ils seront repris, au demeurant,
dans les statuts de l'université en 1985. Pour ce faire, on
créera le vice-rectorat pour l'euskara, l'Institut de l'Euskera et les différentes
commissions d'euskara de chaque établissement.