Le tissu social de l'euskara
La récupération de l'euskara et de sa culture a eu comme principal agent l'initiative sociale ou civile du peuple basque. Dans un second temps, les institutions nées du statut d'autonomie ont joué un rôle non moins important, en faisant la preuve que le travail en commun entre la société et les pouvoirs publics est fondamental pour la revitalisation de la langue et de la culture.
418. Quand une communauté prend la décision de sauver une langue,
on a fait la moitié du chemin (…). Pour que le succès soit complet,
il faut toucher non seulement la tête des gens, mais aussi leur
coeur. David Crystal, linguiste, à Bilbao, 24 septembre 2007. 419. A partir de la naissance d'institutions issues du statut d'autonomieles pouvoirs publics vont jouer un rôle également important pour la revitalisation
de la langue et la culture. Les partenaires sociaux se sont révélés
incontournables dans cette démarche et la collaboration entre les
deux parties, pas toujours facile, a été – et demeure - décisive. 420. L'initiative sociale est le moteur de la revitalisation de l'euska-
ra. S'appuyant sur le sentiment collectif de fierté et d'empathie pour
la langue, les organisations sociales ont joué un rôle primordial
dans la démarche de récupération. 421. L'acte de clôture de la campagne Bai Euskarari impulsée par
Euskaltzaindia se déroula en 1978 dans le stade de San Mamés à
Bilbao, où il réunit près de 40.000 personnes. 422. Vingt ans après, l'organisme Kontseilua (Conseil des organismes
sociaux travaillant pour la langue basque) a repris le même slogan pour
sa campagne, et rempli cinq stades de football (El Sadar, Aguilera, Mendi-zorroza, Anoeta et San Mames), soit plus de 120.000 personnes. 423. Les bascophiles de toutes spécialités se réunissent en 1998 à
l'occasion des journées Euskararen Unibertsoa sur la situation des
association travaillant dans le champ de l'euskara. Il en naîtra Euskararen
Gizarte Erakundeen Kontseilua, organisme visant à donner une
impulsion plus forte à la langue. 424. Les premières associations qui se constituent autour de l'euskara voient le jour au niveau local dans les années 1980. Il s'agit
d'encourager la normalisation de la langue basque, et son usage
comme langue principale à tout moment et dans tous les domaines.
La pionnière fut Arrasate Euskaldundu Dezagun (AED) à Arrasate-
Mondragón (Gipuzkoa). AED demanda à la mairie la création d'une
commission municipale en charge de l'Euskara et la formation d'un
cabinet technique d'Euskara. 425. Des associations apparaissent plus tard, souvent intégrées dans la
Topagunea Federazioan (1996), qui promeut ce type d'entités et organise
des services et des points de rencontre pour elles. La Fédération
gère également d'autres domaines de la langue : les médias édités exclusivement
en euskara, l'activité culturelle, les loisirs, l'enfance, la jeunesse
et les néo-bascophones. 426. L'un des ses programmes qui recueille le plus grand succès est l'initiative Mintzalaguna-Mintzakide, qui depuis 1993 organise des
espaces de loisirs et de sport afin converser en euskara en groupes
restreints. Initiative à laquelle participent près de 4.000 adultes. 427. Des services d'euskara ont été constitués dans de nombreuses
mairies et l'on a créé la figure de techniciens d'euskara. 428. La plupart des associations en faveur de l'euskara se sont constituées
dans les années 1990, comme Ttakun, à Lasarte; Bagera, à
Saint-Sébastien, Berbaizu à Deusto-Bilbao et Galtzaundi, à Tolosa.
A Pampelune, Zaldiko Maldiko fonctionne depuis 1981. 429. La loi 10/1982, Ley Básica de Normalización del uso del Euskara,
du Parlement basque ouvre la voie à de nombreuses initiatives en matière
de politique linguistique tout en offrant à l'euskara l'appui des institutions
pour sa récupération et en vue de la garantie de son utilisation.
C'est ainsi qu'a été initiée la démarche consistant à implanter l'euskara
à l'université, dans l'éducation et dans l'administration publique. En
1983 est fondé l'Institut basque d'administration publique (IVAP), un
organisme pour la normalisation de l'usage de l'euskara dans l'adminis-
tration publique et la consolidation du langage administratif. 430. A la différence de ce qui se passait il y a 20 ans, plus de 50%
des employés du secteur public de la Communauté autonome basque
sont en mesure d'utiliser l'euskera comme langue de travail.
Sous le mandat du Lehendakari Juan José Ibarretxe, le gouvernement
basque a proposé de se marquer un objectif au terme duquel
pratiquement la moitié des fonctionnaires seraient à même de faire
preuve d'une maîtrise appropriée de la langue. En ce sens, en 2007,
le nombre d'employés de la fonction publique qui maîtrisaient
l'euskara était de plus de 12.000. 431. Dans le monde de l'entreprise, nous avons aussi des exemples
de normalisation linguistique. La société de conseil Elhuyar
Aholkularitza (créée en 1991 par la fondation Elhuyar), ou EMUN
(coopérative qui, depuis 1997, offre des services linguistiques dans
le monde du travail), mettent au point des programmes d'intégra-
tion de la langue basque dans l'entreprise adaptés à chaque cas, et
offrent des services de conseil. 432. En 1991 est créé UEMA, le Groupement des communes basques
(Udalerri Euskaldunen Mankomunitatea), chargé de promouvoir et garantir
l'utilisation de l'euskara dans les communes où la majorité des
habitants sont bascophones, et en normaliser l'usage comme langue
principale tant dans la vie privée qu'à l'école, dans l'administration,
dans les services sociaux ou dans le monde du travail.