Une ère nouvelle
L'invasion du Royaume de Navarre par les armées de Castille et Aragon
en 1512 prend fin en 1530, avec les batailles de Noain et d'Amaiur. Cette
date marque un point d'inflexion pour la langue basque, le dernier territoire
bascophone et libre de la péninsule est soumis par les armes.
Le XVIe siècle commençant annonce un changement d'ère. Ses
échos se mêlent à ceux du mouvement de rénovation culturelle qui
parcourt l'Europe. Les terres de l'euskara ne peuvent demeurer à
l'écart de ces changements. Contemporaine de Léonard de Vinci,
de Michel-Ange, du Bosco et de Luther, autour de la Cour du royaume
de Navarre à Pau et dans les territoires du Labourd et de Soule,
une sourde préoccupation culturelle commence à s'exprimer également
en euskara. Le manuscrit de Lazarraga situe à la
Renaissance la véritable naissance de la littérature en euskera et les
textes en langue basque étrennent l'imprimerie. L'euskara commence
à se cultiver comme langue écrite.
89. François-Xavier (1506-1552). Missionnaire jésuites aux Indes orientales
en qualité de sujet du roi du Portugal, canonisé par l'Eglise catholique. Né dans une famille de notables ayant épousé la légitimité du
royaume de Navarre, il était bascophone. On célèbre en son honneur
le 3 décembre, Jour international de la langue basque. De son vrai
nom Françesc de Jaxu, on l'appelait sous le sobriquet de Xavier en raison
de sa naissance au château de Xavier, une dénomination qui a
évolué au fils des ans, passant successivement d'Etxeberria en
Etxaberri, Xaberri, Xabierre et finalement en Xavier. 90. Château de Xabier. 91. L'euskara est la langue dominante sur le territoire navarrais à
cette époque. Quoique la pression de la Castille la relègue à la
dimension rurale et familiale, en 1587, sur les 536 villages recensés
de Navarre, 453 sont bascophones. 92. Abaurrepea, Vallée d'Aezkoa. 93. Le palais rural de Jauregizarrea à Arraiotz (Baztan) garde aujourd'hui
son aspect de 1522, suite à sa transformation après la bataille d'Amaiur. 94. A la cour protestante de Navarre à Pau, Jeanne d'Albret, fille d'Henri
II de Navarre et nièce de François Ier, règne sous le nom de Jeanne III de
Navarre entre 1555 et 1572. Elle défend jalousement son indépendance
des couronnes française et espagnole. A sa cour, où trouvent refuge humanistes
et partisans de la Réforme, verront le jour les premiers textes imprimés
en langue basque. Sa religion officielle est le calvinisme. Défenseur
de l'instruction en langues vernaculaires, l'école et l'enseignement religieux
en euskara furent encouragés sous son règne. 95. Iesus Christ Gvre Iavnaren Testamentv Berria, est la traduction
en langue basque du nouveau testament écrit par Joanes Leizarraga
à la demande de Jeanne III de Navarre. Ce clerc (Beskoitze 1506-
1601) embrasse la foi protestante à l'exemple de sa reine. Il rédige
ABC edo Christinoen instructionea et Kalendrera. Les trois ouvrages
sont imprimés à La Rochelle en 1571. 96. L'émigration basque en Amérique commence très tôt, c'est d'ai-
lleurs ce qui explique que la trace de l'euskara dans la toponymie soit
visible dès le XVIe siècle. L'explorateur Francisco de Ibarra (Eibar, 1539-
Sinaloa, 1575) baptise Nueva Vizcaya une grande zone du Mexique. Il
fonde aussi la ville de Durango, capitale de l'Etat du même nom. 97. Château de Mauléon. 98. Linguae Vasconium Primitiae (Bordeaux, 1545) est le premier
livre imprimé en euskara. Bernart Etxepare, son auteur, était le curé
d'Eiheralarre. L'ouvrage contient une introduction en prose et seize
poèmes religieux, politiques, d'amour, autobiographiques et d'élo-
ge de la langue basque. Associé à la génération des premiers humanistes,
l'auteur fait entrer les lettres basques dans une ère nouvelle.
Il apporte à l'imprimerie une langue vulgaire non romane, dépourvue
jusque là de tradition érudite. 99. L'euskara acquiert ses lettres de noblesse. Porté sur les presses,
cela oblige à travailler la langue écrite. Comme il fallait traduire, on
commença par imiter les ressources et modismes d'autres langues :
les cultismes, latinismes et autre mots nouveaux marquent également
différents niveaux parmi les locuteurs. La question de la
nécessité d'une unité orthographique se pose pour la première fois. 100. Manuscrit de Lazarraga. Son auteur, Juan Pérez de Lazarraga,
seigneur de la Torre de Larrea (Barrundia, Araba) aurait étudié à l'u-
niversité d'Oñati. L'ouvrage fut écrit entre 1564-1567. La plus grande
partie du texte est de la poésie. Le reste s'inscrit dans le genre le
plus courant à l'époque, le roman pastoral, qui fait son apparition à
la Renaissance. Retrouvé en 2004, sa découverte a entraîné la révision
de notre histoire littéraire, dans la mesure où elle met à mal l'i-
dée de l'isolement de la littérature basque jusqu'à l'Ère moderne. La
langue de Lazarraga présente des formes anciennes voire désuètes, et
utilise le dialecte disparu du nord-est d'Araba. Les érudits soulignent
la nouveauté que représente l'usage de la prose, ainsi que la première
mention aux termes Euskal Herria et Araba. Le manuscrit est à ce
jour propriété de la Députation forale de Gipuzkoa. 101. Signature de Lazarraga. 102. Les Basques vivaient en bonne intelligence avec les Natifs
amérindiens. Ces liens favorisèrent la collaboration et les échanges
dont profiteraient plus tard Français, Anglais et Hollandais. 103. Innu du fleuve Saint-Laurent-Saguenay. 104. La construction navale basque, pionnière au XVe siècle, conduit
les Basques sur les côtes de Terre-Neuve. Mais aussi au Labrador et
dans l'estuaire du Saint Laurent pour traquer baleines et morues. 105. Pêcheur de morue avec son matériel. 106. Morue.