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Eskoriatza

128. Bouche de la chambre de combustion.© Enrike Ibabe
128. Bouche de la chambre de combustion.© Enrike Ibabe

Nous avons connaissance des poteries d'Eskoriatza, dans la Vallée de Leintz, par le "Diccionario Geográfico Estadístico Histórico de España y sus territorios de Ultramar" de Madoz, tome VII, 1847. Qui dit :

Eskoriaza. Industrie : Une fabrique de toile de jute, un atelier de savon, plusieurs métiers à tisser la toile, une poterie, une forge et 6 moulins à farine. Le village brûla en 1521, on le construisit en pierres et non en planches comme les maisons auparavant.

129. Entaille gravée dans la porte du possible atelier d'Eskoriatza.© Enrike Ibabe
129. Entaille gravée dans la porte du possible atelier d'Eskoriatza.© Enrike Ibabe

Plus tard, en 1886, Emilio Valverde y Alvarez parle à nouveau de poteries d'Eskoriatza dans sa "Guía de las Provincias Vascongadas y Navarra". Il dit ainsi: Escoriaza...fabriques de savons, toiles de jute, métiers à tisser la toile, poteries, forges et moulins à farine.

Fort de ce renseignement, un beau jour de 1974, le 22 août plus précisément, nous nous rendus à Eskoriatza, afin de voir si nous pouvions obtenir des informations additionnelles. Nous avons interrogé des personnes âgées. Mais nul n'avait entendu parler de poteries dans le village, jusqu'à ce que nous rencontrions Antonio Saenz de Viteri, qui était assis sur un banc de la place du village. Secrétaire de la mairie pendant 43 ans, selon ce qu'il nous confia, Antonio se souvenait comment tout gamin il avait vu des pots de terre cuite sur des tables à la porte de la première maison, une fois passé le pont sur le Deba, quand on vient d'Aretxabaleta. Il n'y avait pas de circulation de voitures ni de camions, à l'époque, mais seulement des chars tirés par des boufs. Les récipients ainsi mis à sécher au soleil allaient jusqu'au milieu de la chaussée sans que cela causât problème. On appelait la maison "Olleritxenak" (maison du potier).

130. Entaille gravée dans la même porte.© Enrike Ibabe
130. Entaille gravée dans la même porte.© Enrike Ibabe
131. Vue de l'intérieur de la chambre de combustion.© Jose López
131. Vue de l'intérieur de la chambre de combustion.© Jose López
132. Bouche de la chambre de combustion.© Enrike Ibabe
132. Bouche de la chambre de combustion.© Enrike Ibabe
133. Four, coupe B/B.© Enrike Ibabe
133. Four, coupe B/B.© Enrike Ibabe

Selon Antonio, qui faisant effort de mémoire, retrouva le nom du potier, Zubiate. Celui-ci était aidé d'un fils, prénommé Alberto. Il se rappelait aussi que la terre était préparée dans des puits, tout près de l'endroit où se trouvait alors (je parle de 1974), le fronton, à l'arrière de la maison du médecin. Il croyait que les puits étaient au nombre de trois, que l'on y jetait la terre et qu'on la laissait plusieurs jours. Il est probable que l'un des puits devait être celui où l'on battait les argiles en y ajoutant de l'eau, le puits batteur, qu'elles devaient passer ensuite dans les deux autres où, après un séjour de quelques jours, la terre se décantait au fond, d'où le nom de "puits décanteurs". C'est-à-dire le système que les potiers de la contrée appelaient "les passoires".

En possession de ces renseignements et sans guère d'espoir de retrouver quelque vestige de la poterie, nous nous approchons de la maison en question, dont le coin, pour être la première du village, portait et porte toujours la panonceau annonçant "Escoriaza". Et quelle ne fut notre surprise d'apercevoir, à moitié masquée par un poulailler, la chambre de cuisson du vieux four, en très bon état de conservation.

134. Tessons mis au jour lors des fouilles archéologiques réalisées par la Société des Sciences Aranzadi, sur le site du four d'Eskoriatza. Ces tessons montrent l'utilisation de l'imperméabilisant à base de plomb et d'étain, ainsi que le décor vert à l'oxyde de cuivre et marron à l'oxyde de manganèse.© Jose López
134. Tessons mis au jour lors des fouilles archéologiques réalisées par la Société des Sciences Aranzadi, sur le site du four d'Eskoriatza. Ces tessons montrent l'utilisation de l'imperméabilisant à base de plomb et d'étain, ainsi que le décor vert à l'oxyde de cuivre et marron à l'oxyde de manganèse.© Jose López

L'ensemble du four et diverses dépendances annexes, probablement à l'endroit où se trouvait l'atelier de poterie, ne paraissaient pas avoir subi de transformations d'importance. A propos, on signalera que la porte du premier étage de ces dépendances présentent gravés dans le mur une croix et un curieux oiseau stylisé offrant une certaine ressemblance avec un dinosaure.

La chambre de combustion - nous déclarèrent les personnes qui s'échinaient à ce moment sur un travail à ferrer un bovin - se trouvait dans le mur du four qui donnait sur une scierie, mais qu'on ne pouvait plus la voir car ils l'avaient nivelée et recouverte. Comme nous pûmes voir, car elle était en bon état, la chambre de cuisson était pleine de gravats. Nous décidâmes de prendre quelques mesures.

135. Bol réalisé à Eskoriatza, restauré à partir de tessons retrouvés sur le site des fouilles.© Jose López
135. Bol réalisé à Eskoriatza, restauré à partir de tessons retrouvés sur le site des fouilles.© Jose López

Ayant récemment débarrassé le four des gravats, en juin 2002, grâce à l'intervention archéologique entreprise sous la responsabilité d'Alfredo Mora et Juantxo Agirre, de la Société des sciences Aranzadi, nous avons repris des mesures, qui diffèrent sensiblement de celles de notre première visite.

Nous avons également mis au jour la chambre de combustion, que nous avons pu mesurer et photographier. La voûte présente une couleur blanche du fait de la vitrification des pierres entraînée par les hautes températures qu'elles ont subies.

136. Portes d'accès à la chambre de cuisson du four.© Jose López
136. Portes d'accès à la chambre de cuisson du four.© Jose López
137. Appareillage de la paroi de l'intérieur de la chambre de cuisson du four.© Enrike Ibabe
137. Appareillage de la paroi de l'intérieur de la chambre de cuisson du four.© Enrike Ibabe
138. Four d'Eskoriatza, coupe A/A.© Enrike Ibabe
138. Four d'Eskoriatza, coupe A/A.© Enrike Ibabe

Le plan mesure un peu moins que celui de la chambre de cuisson. La paroi dans laquelle s'ouvre la bouche mesure 187 cm. La paroi opposée, 195 cm. Celle qui se trouve en dessous du mur dans lequel s'ouvrent les portes de la chambre de cuisson 203 cm et celle d'en face, la paroi orientée vers la rue et vers la rivière Deva, 193 cm.

139. Tessons retrouvés lors des fouilles archéologiques.© Jose López
139. Tessons retrouvés lors des fouilles archéologiques.© Jose López

Nous avons donné une hauteur maximum à cette chambre de 165 cm et à la porte, par sa partie intérieure, 40 cm. Par la partie extérieure, 120 cm. C'est-à-dire qu'on entre dans la chambre en empruntant une rampe, ce qui est assez normal au demeurant dans ce type de fours. Toutes ces hauteurs sont sujettes à une détermination définitive du niveau du sol. La porte est couverte de parement de briques et présente un arc et une voûte brisés. Par l'extérieur, au-dessus de cet arc on voit la construction, également en briques, d'un autre arc de plein-cintre. Ce qui nous porte à penser aux possibles problèmes de tirage que présenta cette chambre aux potiers.

140. Four d'Eskoriatza© Enrike Ibabe
140. Four d'Eskoriatza© Enrike Ibabe

Dans le mur opposé à celui de la bouche, on peut voir aujourd'hui un colmatage en briques, que dessine également un arc dans sa partie supérieure. Une porte ? Ce qui tendrait à confirmer les problèmes de tirage. La chambre de cuisson comme nous venons de le dire, possède deux portes dans le même mur, le gros des moellons étant revêtu de rangées de briques. Ce revêtement diffère de celui des trois autres murs, lesquels présentent un appareillage à base de rangées de briques et de blocs carrés également de terre. Le revêtement du mur des portes semble postérieur et d'un travail plus malhabile.

Sur la sole ou grille se lèvent des parois de briques, "pomecillos" comme les appelait à Uribarri Ganboa. Sur le dessin ci-joint, nous donnons une hauteur de 68 cm, qui est leur hauteur maximum à ce jour. Il est possible qu'elles aient atteint 80 cm qui est la hauteur qu'il y a entre la sole et le seuil de la porte basse. Dans l'espace intérieur de cette espèce de caisse, il y a 29 trous, par lesquels entrait le feu depuis la chambre de combustion. Les trous qui dirigeaient les feux vers les parties hautes du four, c'est-à-dire ceux qui restent entre les murs de la caisse et ceux de la chambre sont au nombre de 22. Ils sont très déformés. Aussi avons-nous recherché sur le dessin une approche de ce qu'ils purent être à l'origine. Nous remarquons que les trous de la partie centrale, les 29, étaient comme protégés par des cercles de terre d'environ 10 cm de diamètre et d'une grosseur d'environ 2 cm.

141. Cylindre de terre cuite ('bodoque') pour monter les tacas ou niveaux, dans la chambre de cuisson, afin d'y placer les récipients crus.© Jose López
141. Cylindre de terre cuite ('bodoque') pour monter les tacas ou niveaux, dans la chambre de cuisson, afin d'y placer les récipients crus.© Jose López

En 1974, au mur de droite en entrant dans la chambre, nous avions donné une hauteur de 533 cm. Mesurons à nouveau.

514 cm. La différence est probablement due aux difficultés que nous avions rencontrées à l'époque, plus qu'à une chute de briques. Au mur dans lequel sont percées les portes nous donnons 500 cm. A celui d'en face 484 cm et à celui de gauche 426 cm.

Des deux côtés de la porte supérieure de cette chambre, on apprécie des orifices qui correspondent à deux autres trous percés dans le mur opposé. Nous pensons qu'il doit s'agir des trous dans lesquels entraient des planches qui servaient à charger le four à mesure qu'on garnissait celui-ci de récipients, pour autant que nous ayons pu en juger de la manière de procéder dans d'autres poteries du pays, comme à Lizarra.

142. Tesson retrouvé lors des fouilles.© Jose López
142. Tesson retrouvé lors des fouilles.© Jose López

La présence de bodoques, cylindres de terre cuite de hauteurs différentes ainsi que des tessons de poteries, des trépieds pour les séparer au moment de la cuisson, nous informent que les récipients étaient placés à l'intérieur de la chambre sur "Tacas", c'est-à-dire sur des plates-formes montées avec ces bodoques et des briques.

Ayant compulsé les registres paroissiaux, voici des années, nous sommes en mesure de préciser que le potier Zubiate se prénommait Félix et qu'il était originaire d'Abadiño (Biscaye), où nous savons qu'il y eut aussi des poteries en d'autres temps. Les noms de ses parents étaient Salustiano Zubiate et Juana María Belar, tous deux originaires d'Elorrio.

143. Restes d'une poterie, fouilles sur le site du four.© Jose López
143. Restes d'une poterie, fouilles sur le site du four.© Jose López

On sait qu'à Eskoriatza exerça un autre potier de son état, Juan Manuel Garaikoetxea Gotxikoa, qui le fit auparavant à Elosu (Alava), où il naquit en 1837. Et où il y eut une très importante activité de poterie, avec plusieurs fours. A l'heure actuelle il ne reste sur pied que celui qui appartint à la famille de potiers Ortiz de Zarate. Sauvé de la ruine par Blanca Gomez de Segura, qui y mit un point d'honneur, avec le concours de quelques institutions qui surent la comprendre. A ce jour, la maison contiguë a été convertie en intéressant musée de "poterie populaire basque", ainsi qu'en atelier où Blanca applique à l'argile les connaissances héritées de son maître potier José Ortiz de Zarate.

A Eskoriatza travailla aussi Juan Likiñano, qui y est né en 1857. Son père, Juan José, étant également d'ici, et sa mère, Ignacia Lezeta, de Mendiola.

En ce qui concerne les restes trouvés dans la poterie et ses environs, nous savons que les récipients étaient surtout glacés, parfois aussi vernissés, et qu'on utilisait le vert d'oxyde de cuivre et le marron d'oxyde de manganèse pour les décorer. On trouve également d'abondants tessons de poteries de Muelas del Pan, dont la présence au Pays basque est expliquée au chapitre sur les récipients pour le feu.

144. Fond de la chambre de cuisson du four. On peut distinguer la cloison dont les trous sont prévus pour conduire les feux vers la partie haute du four.© Enrike Ibabe
144. Fond de la chambre de cuisson du four. On peut distinguer la cloison dont les trous sont prévus pour conduire les feux vers la partie haute du four.© Enrike Ibabe

Selon ce que nous en a dit Antonio Saenz de Viteri et, plus tard, Evaristo Larrañaga, le métier de la terre cuite ne devait guère être lucratif. Zubiate ne devait pas même pas avoir de quoi payer le bail des locaux. Ce qui le conduisit à abandonner la poterie dans les dix premières années du XXe siècle.

Nous avions entendu dire que ce vieux four d'Eskoriatza, héritier d'une technologie qui se compte en siècles, était menacé de déplacement par une imminente construction de logements. Nous pensions qu'il allait être démonté et levé à nouveau, ce qui nous rendait un peu tristes. Car s'agissant d'une construction en moellons, celle-ci allait s'en trouver dénaturée et perdre tout son caractère. Nous craignions d'avoir affaire en fin de compte à un nouveau four, une copie du vieux. C'est dire la joie avec laquelle nous avons accueilli la nouvelle selon laquelle des ingénieurs experts étudient sérieusement de le déplacer tout d'un bloc, sans le démonter. Une opération qui consisterait à lever ses 25m2 de plan plus ou moins et ses sept mètres de haut pour le transporter sur son nouvel emplacement. Toutes nos félicitations à ceux qui participent à ce louable projet.

145. Vue en plan du four d'Eskoriatza.© Enrike Ibabe
145. Vue en plan du four d'Eskoriatza.© Enrike Ibabe
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