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Tours

53. Tour. L'engin normalement utilisé dans les ateliers de poterie du Pays basque.© Jose López
53. Tour. L'engin normalement utilisé dans les ateliers de poterie du Pays basque.© Jose López

Le tour utilisé tant à Eskoriatza qu'à Zegama était similaire à celui des autres ateliers de poterie du Pays basque. Sous la forme dans laquelle ils sont arrivés jusqu'à nous, il semble qu'ils aient fait leur apparition au XVIe siècle, en Italie selon certains chercheurs, dans la Péninsule ibérique, pour d'autres. Deux roues fixées à un axe d'un peu plus d'un mètre de haut. La petite roue ("cabeceta"), mesurait quelque 30 cm de diamètre, et la grande ("volandera"), près de 110 cm. L'ensemble était appelé "erroberie" ("roue"). Quand la pièce à tourner possédait une grande base, on posait sur la petite une roue plus grande appelée "sobrecabeceta". Le mouvement était réalisé par le potier qui actionnait au pied la grande roue.

54. Tiradera.© Jose López
54. Tiradera.© Jose López

Pratiquement jusque dans les années 30, les tours étaient en bois, hormis la pointe inférieure de l'axe et la partie supérieure de celui-ci sur lequel se fichait la petite roue. Cependant, dans certains cas (Uribarri Ganboa, Marañon), les potiers utilisaient le buis comme extrémité de l'axe, pour la grande résistance de ce bois à l'usure. Cette extrémité tournait sur un point dans une plaque de tôle qui allait s'encastrer dans quelque taquet en bois ou dans une pierre. Mais nous avons également entendu dire qu'au lieu de tôle on employait une pièce de monnaie en cuivre, et même le cul extraordinairement épais de ce verre à vin, que l'on utilisait pour le txikiteo (la tournée).

55. Tour de Faro, Asturies, similaire au tour utilisé dans le quartier de las Torcachas, Karrantza.© Enrike Ibabe
55. Tour de Faro, Asturies, similaire au tour utilisé dans le quartier de las Torcachas, Karrantza.© Enrike Ibabe

A partir de ces années-là, on commence à voir se produire des innovations: axe tout en fer, petites roues métalliques, frettes ou jantes en plomb ou en fer appliquées à la grande roue. La plus révolutionnaire étant l'intégration d'un roulement à billes, tant au niveau de la base où tournait l'axe que de sa fixation à la table du tour.

Plus tard, ce serait l'utilisation du moteur à essence et peu après du moteur électrique.

Mais à côté de ces tours, dont l'usage fut généralisé, apparaissent chez nous deux tours véritablement exceptionnels : celui de la poterie de Gabriel Fernandez dans le hameau de las Torcachas à San Andres de Biañez, Karrantza, et celui de la famille Cazaux, à la Négresse, Biarritz.

56. Les mains intelligemment sensibles du potier finissant de donner de la forme à une cruche.© Jose López
56. Les mains intelligemment sensibles du potier finissant de donner de la forme à une cruche.© Jose López

De celui de Karrantza, nous ne possédons qu'une description réalisée par une personne qui vit le potier dans ses oeuvres, ainsi que celle de l'un de ses petits-fils. Cette description nous fait penser au tour que nous avons connu dans la poterie de Jose Vega Suarez, de Faro, du village de Limanes, non loin d'Oviedo. Un tour, si l'on en croit José Perez Vidal, "des plus anciens et élémentaires", dont l'origine remonterait à l'apparition des premières roues. Il s'agit d'un tour qui dépassait du sol de quelque 36 cm. Le potier travaillait assis sur un tabouret à trois pieds, semblable à ceux utilisés encore voici peu pour la traite. Le potier lui imprimait un mouvement en introduisant la main dans des trous que comportait la roue près des bords. On s'interroge. D'où le potier de Karrantza avait-il pu avoir connaissance de cette roue ?

Celui de la famille Cazaux offre quelque parenté avec les tours employés en Bretagne. Il mesure 51cm de haut. La potier travaillait assis à une table, jambes ouvertes, les pieds reposant sur deux étriers, lesquels étaient tout simplement deux autres planches qui partaient perpendiculairement à celle qui lui servait d'appui. Il donnait du mouvement à la grande roue, comme en Bretagne, au moyen d'un bâton.

57. Tiradera, lissoir utilisé pour finir de donner la forme aux récipients.© Jose López
57. Tiradera, lissoir utilisé pour finir de donner la forme aux récipients.© Jose López

L'apparition du tour révolutionna la poterie. On peut dire qu'à compter de ce moment l'activité s'industrialise, produisant un beaucoup plus grand nombre de pièces. Celles-ci deviennent également beaucoup plus parfaites et concernent des marchés qui cessent d'être locaux.

Il semble que jusqu'à l'apparition de cet engin, la production de poteries était l'apanage des femmes. Une responsabilité avec le tour qui passe aux hommes.

58. Tiradera.© Jose López
58. Tiradera.© Jose López

Dans leur "Histoire de la technologie", Derry T.K. et Trevor I. Williams avancent que la grande invention de la roue du potier se produisit vers 3000 avant notre ère et que dans sa forme la moins élaborée, la roue tournait alors sur un pivot encastré dans le creux d'une roche. La roue la plus ancienne dont on ait connaissance fut découverte par l'archéologue Wooley en 1930, à Ur. Elle appartient à la période Uruk. On doit la dater selon ces auteurs de 3250 environ avant notre ère.

59. Le potier Jose Ortiz de Zarate lisse le récipient à l'aide de la tiradera.© Jose López
59. Le potier Jose Ortiz de Zarate lisse le récipient à l'aide de la tiradera.© Jose López

On pense qu'elle fut introduite dans la péninsule ibérique par les Phéniciens et les Grecs. Sa pénétration dans l'intérieur serait à mettre à l'actif des Celtes et des Ibères. Au Pays basque, son apparition remonte au second âge de fer.

Dans l'atelier d'Intxausti, il y a toujours eu deux tours. Ceux-ci sont plus ou moins comparables à tous les autres que nous ayons vu au Pays basque. A ce jour, il ne reste plus que la grande roue de l'un d'eux, qui mesure 112,5 cm de diamètre. Le trou par lequel passait l'axe, qui était métallique, mesure 4 cm. Il est ouvert dans une tôle en fer qui occupe le centre de la roue. Cette roue n'a jamais été munie de frette métallique, ni de roulement à billes. L'étai, autrement dit la partie inférieure de l'axe, tournait sur une douille en bronze incrustée dans un bloc de pierre. Le réglage de l'axe à la table se réalisait au moyen de deux charnières métalliques qu'il fallait graisser fréquemment. Gregorio m'explique de la manière suivante le travail consistant à tourner un pichet :

60. Outils du potier.© Jose López
60. Outils du potier.© Jose López

- Taper un peu la motte pour lui faire perdre l'air qu'elle contient et gagne en élasticité. -Ajuster la motte au rondeau avec la paume de la main, sans cesser de faire tourner doucement la roue.
- Mouiller un peu la motte et l'enduire de "limoja". La limoja est une argile très liquide que le potier conservait dans une caisse placée sur la table du tour.
- Centrer la terre pour éviter que la poterie ne tangue par la suite. - Ouvrir la motte avec les pouces vers dedans et les paumes de la main dehors, en soutenant la terre.
- Etirer, au moyen du poing gauche vers dedans, le pouce et l'index de la main droite repliés par dehors, faisant légèrement pression. -Verser un peu d'eau sur la pièce et, mettant les mains comme pour saisir un tube, soulever la terre et fermer légèrement l'ouverture du récipient.
- Etirer et fermer un peu la lèvre, autrement dit le bord supérieur du pichet, en plaçant l'index par dehors et l'annulaire par dedans.
- Donner de la forme. Pour cela, il fallait verser quelques gouttes d'eau à l'intérieur de la poterie, s'enduire les mains d'argile liquide et introduire le poing gauche en employant le pouce par dehors et l'index de la main droite repliés. Comme dans l'opération d'étirement, ci-dessus. La pression plus ou moins forte de la main gauche est celle qui donne la forme.
- Achever de donner la forme et lisser au moyen de la "tiradera", qui consiste soit en une tôle rectangulaire, soit en une pièce de bois en forme de demi-lune, percée d'un trou dans les deux cas afin de pouvoir la tenir en introduisant un doigt.
- Confectionner le bec verseur.
- Lisser les bords de l'ouverture du pichet à l'aide de la "peineta", qui consiste en un morceau de basane ou un cuir fin.
- Séparer la pièce du rondeau, ou petite roue, au moyen d'un fil à bobine muni d'un bâtonnet à l'une de ses extrémités pour pouvoir le fixer.

58. Tiradera.© Jose López
58. Tiradera.© Jose López

Le temps mis pour confectionner un pichet de cinq litres était de huit à dix minutes.

L'anse était mise en place quand la pièce avait un peu durci. Par beau temps, au bout de trente minutes. Pour coller l'anse au corps du pichet, il suffisait d'employer un peu d'eau.

Il y avait des pièces comme les grandes jarres qu'il fallait faire en deux parties. En premier lieu, on tournait la partie inférieure plus ou moins jusqu'à la moitié, en laissant sur le bord supérieur une espèce de canal pour mieux accoupler ensuite la partie supérieure, que l'on tournait après. Le raccord entre les deux se faisait le lendemain, quand la terre avait suffisamment séché et que la partie inférieure pouvait supporter le poids de la partie supérieure.

61. Gargoulette.© Jose López
61. Gargoulette.© Jose López

Les outils, que le potier employait habituellement pendant le tournage, étaient les suivants :

-La "tiradera", décrite plus haut.

-La "peineta", également décrite.

- Fil métallique, muni d'un bâtonnet à l'une de ses extrémités afin de mieux pouvoir le tenir. Sa fonction était la même que celle du fil de bobine évoqué plus haut, mais pour l'appliquer à des pièces de plus grande taille.

- Fil de bobine, déjà décrit.

- Le "casco", espèce de bol sans aucune glaçure sectionné par la moitié dans le sens de la hauteur, que l'on utilisait pour tourner des tasses.

- La "esturgadera", une lame en forme de L, normalement de quelque 10 cm pour le bras long et 4 cm le court, d'une largeur de 3 cm. Gregorio utilisa également une lame en forme de Z. Cet outil était utilisé pour donner la forme définitive aux tasses, assiettes, etc., après les avoir tournées, et quand elles étaient sèches, pratiquement sur le point de pouvoir être mises au four pour leur cuisson.
62. Pichet.© Xabi Otero
62. Pichet.© Xabi Otero
63. Pot à saindoux avec engobage.© Jose López
63. Pot à saindoux avec engobage.© Jose López
66. Compotier.© Xabi Otero
66. Compotier.© Xabi Otero
65. Pichet décoré dans les tons bleus.© Xabi Otero
65. Pichet décoré dans les tons bleus.© Xabi Otero
67. Pot à saindoux au décor gravé.© Jose López
67. Pot à saindoux au décor gravé.© Jose López

Pour donner leur forme aux tasses, par exemple, on effectuait les opérations suivantes:

- Faire sur le rondeau une espèce de moule avec de la terre, un peu dure, en la tournant à l'aide de la lame en L. On aboutissait à une demi-sphère, du volume du creux des tasses à former, dont la fonction était de faciliter la mise en place de ces dernières, l'ouverture vers le bas, sur le rondeau du tour.

- Accoupler la tasse à ce moule, et, tout en donnant du mouvement au tour, appliquer la lame sur la base pour éliminer la terre et lui donner la forme voulue.

Pour décorer certaines pièces, on utilisait la moitié d'une bobine de fil, qui tournait sur une attache tenue à un bâtonnet qui servait de manche.

La bobine comportait diverses ébréchures, qui sont celles qui restaient imprimées sur le récipient en l'appliquant à celui-ci, en le faisant tourner doucement sur le tour.

Une fois tournées et complètes, le cas échéant munies de leurs becs, anses ou autres suppléments, les pièces étaient mises à sécher sur des tables. Compte tenu de la qualité de la terre utilisé à Zegama, les pièces pouvaient être directement mises à sécher au soleil, sans connaître de déformations, de fêlures ou autres inconvénients. Le séchage, comme il est normal, était plus rapide.

68. Moulin à vernis.© Enrike Ibabe
68. Moulin à vernis.© Enrike Ibabe

Pour imperméabiliser les récipients, on utilisait le vernissage et le glaçage. On utilisait dernièrement l'engobage, avec un vernissage par dessus.

A Zegama, l'emploi de glaçure, qui donne à la poterie sa teinte blanche, a été intense. On la préparait avec de l'étain, du plomb et du sable en se servant d'un petit four qu'on appelait "padilla". Ce four se composait de deux chambres contiguës, destinées, l'une au feu et l'autre à la calcination du plomb et de l'étain. La chambre où se faisait le feu à Zegama était de plan carré de 1,20 m de côté sur 1,30 m de haut. Son plafond était en forme de voûte. La porte pour l'introduction du combustible mesurait 0,60 m de haut sur 0,44 m de large.

69. Vue en plan au niveau de l'endroit où sont les pierres du moulin à vernis B, du puits batteur d'argiles F, et de la retenue d'eau G.© Enrike Ibabe
69. Vue en plan au niveau de l'endroit où sont les pierres du moulin à vernis B, du puits batteur d'argiles F, et de la retenue d'eau G.© Enrike Ibabe

La chambre de calcination contiguë était de plan circulaire. Ses dimensions étaient de 1 m de diamètre et d'une hauteur au plafond en forme de voûte de 0,60 m. La base de cette chambre est 0,70 m plus élevée que celle de la chambre à feu. La porte pour introduire le plomb et l'étain mesurait 0,31 m de haut sur 0,28 m de large. La base de cette porte se trouve 6 cm plus haut que le niveau du sol de la chambre. Percée dans le mur du milieu entre les deux chambres, il y avait une petite fenêtre, de 0,42 m de large sur 0,40 m de haut, pour le passage du feu.

Dans ce four, m'explique Gregorio Aramendi, on opérait ainsi : en premier lieu, on mettait le plomb dans la chambre de calcination. Le plomb provenait de vieux tuyaux, etc. Ensuite, on allumait le combustible, normalement de l'ajonc. La bouche de la chambre de calcination servait de tirage, le feu passant de la chaudière dans cette chambre à travers la petite fenêtre mentionnée ci-dessus, percée dans le mur du milieu. Au bout d'une heure, si l'on avait mis 100 kg de plomb, celui-ci passait à l'état liquide. Et c'est à ce moment que l'on introduisait l'étain : 10 kg en petites barres. Au bout d'un certain temps on voyait commencer à sortir à la surface "une sorte de crème" (que Gregorio appelait "calciné"), que l'on évacuait dans une arche de pierre, située au pied de la porte de la chambre, au moyen d'une pelle en fer, qui pendait d'une poutre du plafond au moyen d'une chaîne. Il s'agissait de n'avoir d'autre effort à faire que celui d'avancer et de reculer. Deux heures et demie environ après le début de la sortie du "calciné", l'opération prenait fin dans le petit four. Sa durée totale avait pris entre trois et quatre heures.

70. Moulin à vernis de la poterie Aitamaren Zarra à Zegama.© Enrike Ibabe
70. Moulin à vernis de la poterie Aitamaren Zarra à Zegama.© Enrike Ibabe

Ce calciné passait ensuite par un tamis et les grumeaux qui s'y trouvaient piégés revenaient au petit four pour la calcination suivante. La masse calcinée était ensuite mélangée à du sable. Le même poids de sable que de calcine. Ce sable était rapporté de Nabarretejo (Araba). Puis, on procédait au broyage de tout le mélange, qui, avant utilisation du moulin hydraulique cité précédemment, s'effectuait au moyen d'un moulin à bras. La pierre inférieure, fixe, avait une forme de casserole et à l'intérieur tournait la pierre supérieure. Le mouvement était imprimé par un bâton, dont l'extrémité inférieure entrait dans un trou percé dans la pierre tout près du bord; et l'extrémité supérieure dans un autre pratiqué au plafond, la finalité étant que le bâton ne danse pas outre mesure. On a pu voir une pierre de ces moulins à bras, la pierre inférieure, dans la poterie de "Aitamarren Zarra", servant de siège. Elle mesure 63 cm de diamètre total pour une hauteur par l'extérieur de 24 cm. Le diamètre intérieur du trou est de 37 cm et la profondeur de cette casserole de 17,5 cm. Pour la sortie du bain, une fois broyé, il y a un petit orifice de 3 cm de diamètre.

Pour en revenir au moulin hydraulique à vernis, nous remarquons que la pierre supérieure et mobile mesure 60 cm, un peu plus pour la pierre fixe ou inférieure. Celle-ci était fichée dans une casserole en ciment dont les bords étaient montés sur de petites planches afin de lui donner plus de hauteur et d'éviter ainsi que la glaçure ne s'échappe pendant le broyage. La pierre supérieure dispose au centre d'un orifice de 16 cm, par lequel passe l'axe qui naît dans la roue hydraulique. Cette roue métallique a 128 cm de diamètre sur 23 cm de large. Captée près du pont tout proche de la poterie, l'eau de l'Oria était amenée à travers un bief de quelque 40 m de long, jusqu'au bassin de 2 m sur 1 m qui se trouvait près du mur où le moulin possédait une fenêtre. Quand on ouvrait la vanne du bassin, l'eau tombait sur les 25 auges de la roue hydraulique, lui imprimant un mouvement giratoire.

71. Padilla. Petit four pour calciner plomb et étain, éléments de base de l'imperméabilisant blanc.© Enrike Ibabe
71. Padilla. Petit four pour calciner plomb et étain, éléments de base de l'imperméabilisant blanc.© Enrike Ibabe

La pointe de l'axe de cette roue en bronze tourne sur une douille du même métal, introduite dans un tronc de bois, tenu latéralement par deux piquets.

Le mouvement de rotation de cet axe a un effet sur la pierre supérieure au moyen d'une tôle en fer qui se loge dans le premier à travers un trou, à section carrée dans sa partie centrale, que retient à son tour à ses extrémités des ponts en fer dont la pierre dispose fortement attachés près des bords. Ces ponts ont une hauteur de 17,5 cm, avec une tige dans leur partie supérieure qui pénètre dans des trous de cette tôle, et qui sont tenus au moyen de goujons. La tôle mesure 48 cm de long sur 12,5 cm de large.

72. Pichet, décor dans les tons verts.© Jose López
72. Pichet, décor dans les tons verts.© Jose López

La pierre supérieure ou mobile est légèrement déplacée vers un côté de la casserole en ciment, afin que la masse de la glaçure heurte la partie la plus étroite et rebondisse au centre, pour se réintroduire entre les deux pierres à travers l'orifice central par lequel passe l'axe également.

Chaque broyage se faisait avec 16 bols de calciné, à quoi on ajoutait une certaine quantité d'eau. Toutes les deux heures, on versait un peu d'eau. Pour broyer le calciné correspondant à une fournée du petit four, soit 200 kg plus ou moins, on employait de l'ordre de huit jours.

La glaçure broyée de la casserole sortait par un petit tube placé à la base de ladite casserole, qui, dans le cas particulier de ce moulin, était un fragment de canon de fusil.

Gregorio Aramendi rapporte qu'en d'autres temps le calciné, avant d'être mélangé au sable, était introduit dans la chambre à feu du grand four à cuire les poteries où il était soumis à une nouvelle cuisson. Pour ce faire, cette chambre possédait dans le fond un second banc ("apal"), où l'on plaçait le calciné. Ce dernier, après cuisson, sortait en pierres qu'il fallait piler dans un mortier avant de le porter au moulin. Le mortier, à "Intxausti", était une casserole en fer encastrée dans une demi-barrique, et la masse, un éclat d'obus.

73. Cruche au restaurant El Castillo à Beasain, réalisée à l'atelier de poterie de Zegama.© Enrike Ibabe
73. Cruche au restaurant El Castillo à Beasain, réalisée à l'atelier de poterie de Zegama.© Enrike Ibabe

Le vernis ou imperméabilisant qui, après cuisson de la poterie, laisse transparaître la couleur de la terre, était fait d'"alcool de feuille", minerai de plomb qu'on faisait venir de Linares. Il était envoyé sous forme de pierres, en couffes d'environ 50 kilos. Dans la préparation de cet imperméabilisant, la première opération était de broyer ces pierres, d'où l'usage du mortier mentionné plus haut. Une fois que l'on avait pilé ce minerai de plomb, on le mélangeait à une quantité identique de terre rouge de Murgisarri et l'on portait le tout au moulin.

Après la guerre de 36, on commença à extraire le minerai de plomb de mines de Zerain que des Allemands avaient commencé à exploiter. L'application, aussi bien de la glaçure que du vernissage sur les poteries, se faisait quand celles-ci avaient séché. Pour le glaçage ou le vernissage de l'intérieur du récipient, on introduisait le bain à l'intérieur de celui-ci, on l'agitait jusqu'à en recouvrir entièrement la surface et l'on remettait ce qu'il y avait en trop dans le baquet des bains. Pour l'imperméabilisant extérieur, on mettait la poterie vers le bas, on la tenait d'une main pendant que de l'autre, on versait dessus le bain avec un bol.

 

74. Pichet à cidre réalisé à l'atelier de poterie Aitamaren Zarra à Zegama.© Jose López
74. Pichet à cidre réalisé à l'atelier de poterie Aitamaren Zarra à Zegama.© Jose López

Dans les derniers temps, les récipients ne comportaient aucune décoration, hormis quelque type d'incision. Mais au siècle passé, au moins sur le revêtement stannifère, il y avait des décorations de couleur verte et, dans certains cas, ces dessins verts, à l'oxyde de cuivre, recevaient l'ébauche d'une ligne marron. En témoignent les abondants tessons que nous avons pu trouver dans les environs de la poterie "Aitamarren Zarra", ainsi qu'un pichet du restaurant "El Castillo" (à Beasain), qui fut tourné à Zegama. Egalement par les tessons, nous avons appris qu'un nombre non négligeable de récipients avaient été glacés de blanc à l'intérieur et vernissés au plomb à l'extérieur.

 

75. Pichet au décor d'oiseau et rebord inférieur.© Jose López
75. Pichet au décor d'oiseau et rebord inférieur.© Jose López

Le four de Zegama était de plan carré de 2 m. sur 2m. L'un de ses murs donnait sur la route et le mur opposé à l'intérieur de l'atelier était orienté vers la rivière Oria. La chambre de cuisson était à double cloisonnement de 1,5 m. de haut, avec 10 orifices entre elle et les murs du four afin de conduire les feux du foyer vers les parties hautes du four. Le cloisonnement délimitait un caisse de 140 cm sur 140 dans la sole ou grille de laquelle il y avait 16 trous pour laisser passer le feu, 10 sur les côtés et 6 au centre. Ces trous étaient fermés par trois briques dans le but d'amortir un tant soit peu la force du feu.

Cette chambre disposait de deux portes de mêmes dimensions qui, à l'instar de la bouche du foyer ou chambre de combustion, étaient ouvertes dans le mur orienté vers l'Oria.

Ce four comportait un auvent en uralite, qui reposait sur des murs de 54 cm d'épaisseur, lesquels étaient montés sur ceux du four. Celui de la partie où se trouvaient les portes atteignait 2,55 m. de haut, celui de la route 1,2 m. Au milieu de cet auvent, il y avait une tôle coulissante qui s'ouvrait quand on allumait le four, permettant ainsi la sortie des gaz et des fumées.

76. Four de Zegama, coupe B/B.© Enrike Ibabe
76. Four de Zegama, coupe B/B.© Enrike Ibabe

Gregorio Aramendi nous disait que le chargement du four leur prenant plusieurs jours, il fallait prévoir une soudaine apparition de la pluie. Laquelle pouvait gâcher toutes les poteries de terre crue, si le four n'était pas couvert. Nous avions connaissance de ces toitures, que l'on utilisait pour couvrir d'autres fours du pays, mais avec un montage beaucoup plus provisoire.

Ce four, à partir des 60 cm du seuil de la porte supérieure, comportait des marches des deux côtés qui facilitaient la montée vers un couloir de 90 cm (60 du mur de pierre plus 30 du revêtement en brique), entre les murs sur lesquels reposait le toit léger et la limite intérieure du four.

Ici, comme on l'a vu dans d'autres fours, la charge débordait des limites supérieures. Dans ce cas, ce dépassement était de quelque 50 cm et c'était l'endroit où l'on plaçait les tasses qui servaient de "test", pour connaître l'état de la cuisson à un moment donné.

77. Four de Zegama, coupe A/A.© Enrike Ibabe
77. Four de Zegama, coupe A/A.© Enrike Ibabe

Les récipients étaient placés sur des niveaux ou "tacas" que l'on montait avec des cylindres de terre cuite de hauteurs différentes, (bodoques), et des briques.

Quand le combustible qu'on utilisait à "Intxausti" fut l'ajonc qui faisait monter les flammes en haut; jusqu'à la partie supérieure du four, on superposait jusqu'à 10 niveaux. Lorsque l'ajonc se fit rare et qu'il fallut utiliser de la "brindille de pin", on ne montait que 6 couches.

Une fois le four chargé, on recouvrait le tout de tessons de tuiles, etc.

Les récipients étaient placés à l'intérieur du four, l'ouverture vers le bas; ce qui obligeait le potier à ôter de la paume de la main le bain du bord des ouvertures. Les tasses, assiettes, plats, etc., qui étaient placés les uns au-dessus des autres, étaient séparés pendant la cuisson, de sorte qu'ils ne se trouvent pas collés par la glaçure, au moyen de trépieds qu'on appelait "txakurrek". Les pichets étaient appuyés sur des dalles, qu'on appelait "planchas", de quelque 15 cm de long et d'une largeur légèrement inférieure au diamètre de l'ouverture, pour permettre que la chaleur puisse pénétrer à l'intérieur et obtenir de la sorte un bain brillant.

77. Four de Zegama, coupe A/A.© Enrike Ibabe
77. Four de Zegama, coupe A/A.© Enrike Ibabe

Les trous au centre de la sole étaient entourés de trois briques chacun, dans le but d'amortir quelque peu la force du feu sur les premières pièces.

La fournée pouvait prendre de neuf à dix heures. Les deux premières à feu doux et plutôt dans la bouche de la chaudière pour tiédir le four peu à peu. Puis on montait le feu au maximum avant d'en diminuer l'intensité en fin de la cuisson.

Trois jours après avoir éteint le four, on sortait les poteries, en abattant les murs de pisé dont on avait recouvert les portes pendant la cuisson. Jadis, on avait coutume avec les braises de faire du fraisil, autrement dit, du charbon de bois, après l'avoir étouffé avec de l'eau.

78. Four de Zegama.© Enrike Ibabe
78. Four de Zegama.© Enrike Ibabe
79. Plan du four.© Enrike Ibabe
79. Plan du four.© Enrike Ibabe

Trois personnes habituellement se chargeaient de la cuisson.

 

80. Porte de la chambre de calcination, dans la Padilla de Gregorio Aramendi, Zegama.© Enrike Ibabe
80. Porte de la chambre de calcination, dans la Padilla de Gregorio Aramendi, Zegama.© Enrike Ibabe

 

 

RECIPIENTS QUI SE FAISAIENT A ZEGAMA

- Tasses ("katilluek") en trois tailles, dont la plus petite était appelée "kafekatillue". La plupart étaient glacées de blanc au-dedans, mais sur certaines il avait également été appliqué de la glaçure à l'extérieur.

- Assiettes ("platerak"). La plupart uniquement glacées au-dedans.

- Pichets ("pitxerrak"). Il s'en faisait en six tailles. De 1/4 de litre à 6 litres. Les plus grands étaient prévus pour servir l'eau. Les autres pour le cidre, vin, txakoli, etc. La plupart portaient un bain blanc au-dedans, et jusqu'à la moitié sur l'extérieur; mais on en trouve entièrement glacés dedans et à l'extérieur. La ligne parfaite, séparant le bain de la terre cuite, à l'extérieur, est caractéristique de Zegama.

- Bassines ("barreñoak"). En cinq tailles, la plus grande de 25 litres. Les tailles supérieures portaient habituellement des anses. On ne les imperméabilisait qu'au-dedans, glacée blanc ou vernissées.

- Jarres. En plusieurs tailles, jusqu'à 25 litres. Les petites jarres et les moyennes recevaient un bain de blanc au-dedans et un bain léger côté extérieur. On faisait de même avec les grandes, mais vernissées au plomb.

- Pots. De 2, 1 et 1/2 litre. Presque tous en glaçure blanche au-dedans, et jusqu'à la moitié du côté extérieur. On les utilisait pour y mettre sucre, sel, miel, paprika, etc.

- Augets à colombes, à poules, etc.

- Pots à saindoux, en 4 tailles et glaçure blanche.

- Cruches

-Pots à fleurs.

-Tirelires, appelées "eltzetxuak" à Tolosa; "itxulapikoak" à Zegama.

-Pichets attrape-nigaud, bain blanc complet. C'est une sorte de pichet présentant un grand nombre d'orifices de la moitié par le haut. Pour en boire, il faut en connaître le secret, qui consiste à déceler un trou qu'il faut boucher et à en découvrir un autre par lequel il faut boire par succion. On peut penser que ce type de pichet que l'on trouve en abondance dans d'autres régions d'Espagne fut apporté chez nous par quelque potier de Valladolid, de Miranda de Ebro ou d'une autre région.

81. Bol. © Jose López
81. Bol. © Jose López
82. Egouttoir.© Jose López
82. Egouttoir.© Jose López
85. Grande cruche réalisée dans un atelier de poterie de Zegama.© Jose López
85. Grande cruche réalisée dans un atelier de poterie de Zegama.© Jose López
84. Pot.© Jose López
84. Pot.© Jose López
86. Pot à saindoux.© Jose López
86. Pot à saindoux.© Jose López

La terre de Zegama, comme de la plupart des autres centres potiers du pays, n'était pas bonne pour le feu. De là que marmites et casseroles qui étaient destinées à cet usage provenaient pour l'essentiel d'Arrabal del Portillo (Valladolid). On les apportait sous forme de "biscuit", autrement dit cuites mais sans aucun imperméabilisant. Et c'est ici, à Zegama, qu'on les émaillait de blanc au-dedans et qu'on les vernissait du côté extérieur. On apportait également ce type de récipients de Navas del Rey (Valladolid), de Pereruela (Zamora) et plus récemment de Breda (Gérone).

Cet atelier de poterie approvisionnait un large marché ayant pour axe la route menant à Irun. La marchandise était vendue aux magasins de Beasain, Ordizia, Legorreta, Alegia, Tolosa, Irura, Billabona, Andoain, Lasarte, Urnieta, Hernani, Astigarraga, Donostia, Pasaia, Orereta, Herrera, Oiartzun, Irun, Hondarribia, Zaldibia, Lazkao, Ataun.

On venait acheter des récipients à la poterie pour approvisionner les commerces de Zumarraga, Legazpi, Oñati, Azpeitia, Azkoitia, Zestoa, Zarautz, Orio, Usurbil, Aia, Idiazabal, Segura, Mutiloa, Zerain, Altsasu, Etxarri-Aranatz, Olazti et Ormaiztegi.

87. Pot à saindoux.© Jose López
87. Pot à saindoux.© Jose López

En dehors de ces commerces, les particuliers des environs venaient également y acquérir directement des récipients.

La moitié de la production finissait cependant dans les échoppes d'Ordizia, de Tolosa et de Saint-Sébastien. A Tolosa, les poteries se vendaient à 6 commerces, à Ordizia à 4, à Saint-Sébastien à 4, à Hernani à 3, à Irun à 3, à Orereta à 4, à Oiartzun à 1, à Idiazabal à 2, etc.

88. Bassine.© Jose López
88. Bassine.© Jose López

Le transport, jadis, se faisait dans des charrettes à plate-forme très basse tirée par des attelages de chevaux. Plus tard le transport se fit en camions. Avant la distribution de la marchandise, Gregorio Aramendi effectuait la tournée des commerces pour passer prendre les commandes.

Gregorio me fournit le prix de quelques pièces, antérieures à 1936 :

-Un pichet de 5 litres, 1,25 pts.

-Une grande assiette, 0,70 pts.

-Une assiette moyenne, 0,50 pts.

-Une petite assiette, 0,30 pts.

-Une grande tasse, 0,50 pts.

-Une tasse moyenne, 0,30 pts.

-Une petite tasse, 0,20 pts.

-Une jarre de 25 litres, 8 pts.

-Une jarre de 12 litres, 2 pts.

-Un pot à saindoux, 3 pts.

-Une bassine de 25 litres, 10 pts.

89. Pichet attrape-nigaud, réalisé dans l'atelier de poterie Intxausti de Zegama© Jose López
89. Pichet attrape-nigaud, réalisé dans l'atelier de poterie Intxausti de Zegama© Jose López
90. Auget à oiseaux.© Jose López
90. Auget à oiseaux.© Jose López
91. Pichet réalisé à l'atelier de poterie de Zegama.© Jose López
91. Pichet réalisé à l'atelier de poterie de Zegama.© Jose López
92. Pichet à cidre de l'atelier de poterie Intxausti, utilisé dans une cidrerie d'Hernani.© Jose López
92. Pichet à cidre de l'atelier de poterie Intxausti, utilisé dans une cidrerie d'Hernani.© Jose López
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