Les premières manifestations pleinement romaines font leur apparition au Gipuzkoa, il y a un peu plus de deux mille ans. Coïncidant avec le changement d'ère, elles arrivèrent précédées d'une série de hauts faits d'armes qui s'enchaînent depuis les disputes initiales entre romains et carthaginois, pour le contrôle de la péninsule ibérique, jusqu'au passage définitif de cet espace - l'espace guipuzcoan- dans l'orbite de Rome, suite aux avancées qui se produisent à partir de la vallée de l'Èbre, de l'Aquitaine et du territoire cantabre.
Il semblerait qu'Asdrubal et ses armées prirent le chemin des Gaules en direction de l'Italie en 208 ou 207 av. J.-C. Ils franchissent la partie occidentale des Pyrénées "par près de l'Océan" ainsi que le narrent Tite-Live et Appien. Ayant vaincu les Carthaginois, les généraux romains se lancent à la conquête de l'Hispanie, territoire qu'ils vont finir par dominer au fil des ans.
Quintus Sertorius fut gouverneur de la Hispania Citerior et resta loyal à son chef, Marius, dans un bras de fer de ce dernier resté fameux avec le Grand Pompée. Il donnera son nom aux guerres sertoriennes, de 77 à 72 av J.-C. Quand il se soulève contre Rome, il trouve un appui parmi diverses peuplades péninsulaires de la vallée de l'Èbre. En 75, Pompée venu en Hispanie pour y mater Sertorius, dut se retirer en territoire vascon quand il se trouva à court de vivres. Le même hiver, il fonda la ville de Pampelune (Pompeopolis).
Jules César pacifia les Gaules. L'entreprise se solda par plus d'un million de morts, comme le confirment des intellectuels de l'importance de Pline, qui ne voyaient guère d'un bon oeil les méthodes du conquérant. En 56 av. J.-C., l'un de ses généraux, Publius Crassus, se battit contre les Aquitains, lesquels requirent l'aide de leurs voisins péninsulaires. La coalition fut défaite et, au lendemain de la bataille, la majeure partie de l'Aquitaine se rendit au romain.
Finalement, Octave qu'on nomma Auguste, vint en personne pour en finir du dernier nid de résistance en Ibérie. Les Cantabres furent attaqués à la fois par terre et par mer. Ils furent définitivement réduits en 19 av. J.-C.; Auguste sut habilement profiter du triomphe, pour le convertir en un acte de propagande fort utile à ses intérêts. Ainsi fut instaurée la fameuse Pax romana.
Dans cette période de deux siècles, les occupants autochtones sortent peu à peu de l'anonymat. Les romains ne manquent pas d'observer leurs coutumes peu civilisées, la rusticité de leurs modes de vie et leur caractère guerrier, pour mieux souligner l'effet avantageux des contacts sur cette situation d'inculture et de sauvagerie, qu'ils mettent au compte de la rudesse du climat et de la situation écartée du territoire. Ils rapportent qu'ils se nourrissaient de glands, la majeure partie de l'année. Que c'est à peine s'ils consommaient de vin et buvaient de bière. Ils précisent qu'ils étaient affublés de tenues simples. Que dans leurs festins, ils mangeaient en groupes. Qu'ils utilisaient des embarcations rudimentaires et que leurs cultes étaient primitifs. Cependant, ils prennent soin de mentionner une voie de communication qui, venant de Tarragone, aboutissait aux ultimes villages vascons sur la côte, à Irun. Plus tard -au milieu du Ier siècle- les sources se référeront à des Vascons, Vardules et Caristes vivant dans l'espace qui recoupe les limites actuelles du Gipuzkoa.
Les vingt dernières années de recherches archéologiques axées sur la période antérieure à l'arrivée des romains au Gipuzkoa offrent une série de résultats qui obligent à la réflexion. On a cerné deux réalités culturelles distinctes et contemporaines (Peñalver, 2001); l'une qui s'exprime à travers des cercles de pierres, ou cromlechs, de caractère funéraire; l'autre le fait à travers des villages fortifiés situés sur des hauteurs dominantes, les castros. La zone des cromlechs s'interrompt brusquement dans la vallée de Leizaran, pour se développer entre ce point et les contreforts des Pyrénées, jusque non loin d'Andorre. Occupant une bande montagneuse ayant de 5 à 40 km de large, ils reflètent -pense-t-on- l'existence d'un groupe humain différencié que l'on peut identifier, par les références géographiques évoquées, comme le groupe des vascons. La frontière de la région de Leizararan n'est guère éloignée de la limite occidentale de cette tribu, si l'on prend en compte les mentions des géographes de l'époque romaine. Les villages fortifiés, pour leur part, bordent la frange sur laquelle sont présents les cromlechs, tant au Gipuzkoa (Intxur à Albiztur, Buruntza à Andoain, Basagain à Billabona, Muñoandi à Azkoitia-Azpeitia, Murugain à Aretxabaleta-Arrasate-Aramaiona.) qu'au Labourd, en Basse-Navarre ou en Soule. Ce sont des établissements stables de grandes dimensions -le castro d'Intxur, par la surface qu'il occupe, se situe parmi les villages les plus étendus de son temps. Ils disposent d'emplacements stratégiques renforcés de murailles et de larges fossés; dans la zone protégée se trouvent les habitations occupées par des gens qui se consacrent à l'agriculture et à l'élevage, et qui connaissent le travail du fer. Parmi leur mobilier, on a reconnu certains éléments caractéristiques du monde celtibère, quoique faiblement représentés. A ce même contexte "celtique" peut appartenir une stèle funéraire mise à jour à Meagas qui partage certains traits avec d'autres témoignages apparus sur la côte de Biscaye.
Ces gens ne paraissent ni aussi isolés ni aussi incultes que les présentent les sources; en revanche, ils sont distribués géographiquement suivant les règles générales qui découlent des descriptions laissées par les narrateurs romains. Le Gipuzkoa, à cette époque, s'avère un point de contact entre les confins de plusieurs sphères culturelles: Aquitaine, vallée de l'Èbre, monde pyrénéen et territoire cantabre. La Bidassoa marque la limite avec les peuples d'Aquitaine. Entre ce cours d'eau et le Leizarán s'étendent les cromlechs qui se prolongent vers les Pyrénées, coïncidant avec le domaine vascon; limitrophes avec ces derniers, apparaissent les villages fortifiées, auxquels on suppose des connexions méridionales avec le monde celtibère et vers l'Ouest, la rivière Deba séparait les Vardules des Caristes, lesquels s'étendaient jusqu'au Nervion. Chacune de ces deux peuplades étendaient leurs domaines vers le Sud, atteignant le bassin de l'Èbre. Vascons, Vardules et Caristes seraient les registres nous permettant d'identifier dans les textes romains les occupants de ce qui constitue, à ce jour, le territoire du Gipuzkoa, tout en marquant les jalons qui les font entrer dans l'Histoire.