Introduction
Aborder le sujet des "Tours Mediévales" du Gipuzkoa nous situe dans un contexte de références culturelles de longue durée, qu'il faut absolument délimiter avec précision.
Evidemment, le Gipuzkoa compte en 1996 sur un Patrimoine Culturel de Tours d'origine médiévale en partie encore méconnu, peu respecté et peu valorisé. D'autre part, les Tours elles-mémes sont des témoignages matériels d'un type de culture ainsi que d'un "style de vie" aujourd'hui disparus. Leur présence nous le rappelle et, enfouies dans un monde complètement étranger à leur signification, les Tours sont I'élément le plus important pour évoquer une époque méconnue.
Beaucoup de Tours -I'immense majorité- servent de nos jours à I'usage principal pour lequel elles furent édifiées: elles sont une demeure et un refuge pour la famille. Mais les transformations structurelles auxquelles la plupart ont été soumises, les altérations de I'entourage où elles furent édifiées et, évidemment, I'usage qu'au long des siècles on leur a donné, les ont complètement éloignées de la signification qu'elles avaient lorsqu'elles furent construites.
Les Tours étaient construites avec des objectifs, par des classes sociales et pour des fins qui aujourd'hui, pour la plupart, manquent de signification pour nous. La plus grande partie ont étéabandonnées vers le milieu ou la fin du XVI siècle par ceux qui leur donnaient un caractère et, par ceux pour qui la Tour était un symbole respecté par la communauté, par ceux pour qui la Tour représentait un élément de leur paysage social naturel identifié avec un ensemble de valeurs sociales, économiques et culturelles spécifiques, les Tours ne sont plus aujourd'hui qu'un vestige difficile à comprendre avec toute leur charge de significations pour nous.
En fonction du contexte de I'envrironnement dans lequel les Tours sont conservées, de la plus grande à la plus petite répercussion qu'au long des siècles qu'il a exercé sur elles et, en fonction du changement d'usages auquel la Tour a été soumise, la capacité évocatrice et la valeur documentaire que la propre structure traduit sont très variables. Quelle relation pouvons nous établir entre I'immense masse en pierre de la Tour des commerçants Berriatua du quai de Mutriku, celle de Zumeltzegi -appartenant aux Comtes d'Oñati- à Oñati, ou celle des Fiefs des Suzerains de Berastegi ou de Loiola? Toutes bien différentes en ce qui concerne leurs éléments architectoniques, leur caractére militaire ou commercial, défensif ou simplement de représentation sociale, mais néanmoins toutes aussi ressemblantes. Elles ont toutes été édifiées par les classes dirigeantes du Gipuzkoa aux alentours des XIVéme et XVIéme siécles.
Faire référence aux Tours du Gipuzkoa, enfin, nous oblige à rejeter des topiques et à bouger dans les sables mouvants d'hypothèses, de comparaisons avec des sociétés similaires; á glaner des données dispersées dans de multiples fonds d'archive, á mettre en relation des personnages et des petits personnages, des seigneurs de la guerre (tel que Juan Amezketa zalduna - le chevalier, qui à la fin du XIVème siècle mena ses troupes du Gipuzkoa jusqu'en France et en Angleterre depuis son Manoir originaire d'Amezketa et de sa Tour de Leaburu) et des hommes de lettres (tel que le bachelier d'Azkoitia, Juan Martínez d'Olano, célèbre car il fit face au lignage des Suzerains, notamment aux Likona, seigneurs de Balda, et aux Olaso, qui en 1473 et presque déjà octogénaire lui coúta une séquestration avec un paiement de rançon et une série de péripéties sans nombre) avec des commerçants et des armateurs (comme ceux déjá cités, les Berriatua de Mutriku ou les Lili de la Tour qui porte leur nom à Zestoa, qui commercent en Italie et á Flandres) des écclésiastiques et des notaires. La liste peut être très étendue et complète.
La Tour sera, et nous le verrons tout de suite, un élément avec une force si grande dans le paysage urbain et rural du Gipuzkoa, qu'elle donnera même un nom à ses habitants. Rare est la ville côtiére, d'Hondarribia (de Fontarabie) jusqu'á Ondarroa, qui n'ait pas un lignage appelé "La Tour"; dans certains cas, comme dans celui de Donostia (Saint Sébastien), qui en utilisant les deux comme nom de famille de façon indistincte, combinent en plus la double dénomination de Oianguren-La Torre en faisant une allusion inéquivoque à sa double appartenance à un lignage, celui de Oianguren, et à une classe sociale, celle de propriétaire de Tours et, dans ce cas, "de la Torre", celle du quai, appuyée sur une des portes de la muraille et sur la paroisse de Santa María. Symbole de prestige et de pouvoir très concret et palpable, sur sa masse de pierre.
Néanmoins, les Tours commencent à êtreà la mole. A de nombreuses reprises, leur caractère évocateur est le meilleur véhicule pour comprendre qu'elles renferment un trésor culturel de valeur incalculable et qui reste encore à découvrir. Pour comprendre qu'elles renferment entre leurs murs une grande partie de notre histoire. II s'agit de Tours qui conservent encore leur caractère primitif et même une grande partie de leur allure et même de leur solennité, signes de leur prestige antérieur ou, il s'agit de restes que I'usage divers et le mauvais traitement des siècles ont tranformés en de petits vestiges de splendeurs passées qu'il n'est pas nécessaire de revivre ou de revaloriser. Nos Tours ne nous sont pas, ne peuvent pas nous être indifférentes.