Les groupements de pendeloques.
Mais revenons à la grotte. A mesure que nous avançons plus à l'intérieur, nous trouvons le premier des ensembles sur le côté gauche du vestibule. Situé près de l'entrée, il se compose de trois éléments. Deux de forme allongée, et un troisième pratiquement rectangulaire, aux faces et angles arrondis.
Dans la zone qui s'élargit en une salle intérieure, dans un espace d'environ quatre mètres carrés, délimité par des blocs, nous mettons au jour cinq autres pendeloques. Trois sont fabriquées dans des incisives de bouquetin et décorées. Elles apparaissent tout près les unes des autres. Mais considérant toutes les pièces, on ne peut qu'être frappé par la beauté de l'une d'elles, confectionnée à partir d'un fin galet de couleur noir sombre, dont la silhouette naturelle n'est pas sans rappeler diverses Vénus paléolithiques classiques. Tout près de cette pendeloque, nous en mettons au jour une seconde, de couleur noirâtre, qui ressemble à s'y méprendre à une canine atrophiée de cerf, quoique de dimension notablement supérieure. Outre le symbolisme de l'objet originel, cette ressemblance fut probablement à l'origine de son choix. C'est la première salle intérieure qui nous réserve néanmoins l'une des plus spectaculaires découvertes paléolithiques: un collier d'un mètre cinquante de long formé de quatorze pièces de pierre noire, déposées, peutêtre intentionnellement, sur l'argile. Ses pièces, pour la plupart décorées et de formes allongées, sont disposées d'une manière soigneusement ordonnée, équidistante. Les deux extrémités fermant à l'aide de deux petites pierres à perforation naturelle, dénuées de tout décor.
74. Emplacement général des groupements de pendeloques dans les deux salles de la grotte ayant fait l'objet de fouille. © Jesús Alonso
Dans cette même salle, à un peu plus de quatre mètres de l'ensemble précédent, nous en trouvons un autre, composé de deux pièces.
Outre ces cinq groupements, nous découvrons en maints endroits, tant du vestibule que de la salle intérieure, une série de pendeloques brisées au niveau de leur perforation de suspension, dans ce cas, relativement proches les unes des autres.
75. Premier ensemble formé de trois pendeloques. Les formes dominantes allongées de deux d'entre elles contrastent avec la forme de la troisième, de tendance subrectangulaire. La texture et la couleur de cette dernière, plus brillante et plus noire, est également différente de celles des deux autres. Seul l'une d'elles présente un décor. 76. Ce premier groupe fut mis au jour près de l'entrée de la cavité, à proximité du siège et du foyer. 77. Il s'agit de l'une des rares pendeloques dénuées de décors qui ait été fabriquée dans un galet plat. Elle présente une courbure douce sur l'un des côtés, ses angles sont légèrement arrondis. Dans la zone de la perforation, une série de courtes incisions que l'on peut éventuellement interpréter comme des lignes de fuite. © Jesús Alonso
Ce sont les seuls éléments appartenant à un collier qui ne soient pas réalisés en pierre. Il s'agit de trois incisives de bouquetin des Pyrénées (Capra pyrenaica) présentant deux perforations à la racine, et dont la face vestibulaire est décorée de divers traits courts transversaux. Ces pièces furent probablement colorées d'ocre, ou du moins furentelles en contact avec ce matériau, puisque l'une d'elles présentait des restes de coloration rouge lors de sa découverte.
L'utilisation de pièces dentaires d'animaux herbivo-res ou carnivores pour la fabrication de pende-loques est courante au cours la Préhistoire. On les perfore, on les décore de différents motifs. Les parallèles de ces dents à plus d'un orifice ne sont pas très abondants, quoique l'on ait connaissance d'incisives de cheval et de cerf, décorées et à double perforation (parfois même à quintuple perforation) à différents niveaux magdaléniens de la corniche cantabrique et du territoire situé au nord des Pyrénées comme à Ermittia (Deba, Gipuzkoa), Arenaza (Galdames, Biscaye), Isturitz (Izturitze-Donamartiri, Basse-Navarre), Mas d'Azil (Ariège) et Tito Bustillo (Ribadesella, Asturies).
Les représentations humaines sont rares dans l'art pariétal et mobilier. En ce qui concerne ce dernier chapitre, certaines scènes comme celle de l'os de Torre (Oiartzun, Gipuzkoa) ou du bâton de la Va-che (Ariège) présentent un intérêt certain. De mê-me, les rares représentations connues en rondebosse :la tête d'Entrefoces (Morcín, Asturies), l'énigmatique pendeloque ou le bâton percé d'El Pendo (Camargo, Cantabrie) et "La Vénus" de Las Caldas (Oviedo, Asturies). Plus soignée que celle de l'homme, la représentation de la femme est en général schématique et met en valeur certaines formes de son anatomie. L'interprétation que l'on peut en faire est très variée: figures représentatives de déesses mère, exvoto de fécondité, témoi-gnage de l'importance du rôle de la femme dans la société paléolithique, etc.
La découverte d'une série de pendeloques brisées, dans la plupart des cas au niveau de la perforation, est un fait remarquable. Nous ne connaissons pas le moment et la forme sous laquelle se sont produites les cassures; cependant, au cours de la Préhistoire fréquents sont les objets brisés ou détruits localisés dans différents contextes d'habitats et de rites funéraires. Il a parfois été avancé la thèse selon laquelle ces bris feraient partie de pratiques rituelles. Dans le cas des pendeloques de Praileaitz I nous ignorons si la cassure et la concentration des découvertes sont le fruit du hasard ou sont dus à un autre motif.
78. Cette pièce est remarquable par sa longueur et une section presque carrée. Elle fut localisée en deux fragments, des deux côtés du sommet inférieur du grand bloc qui s’est détaché de la paroi sud de l’entrée. 79. Offrant de petits incisions plus ou moins profondes, la plupart des pendeloques sont décorées différemment. Parfois, de rares marques affectent l'un de leurs plus grands côtés; d'autres fois, la totalité d'un côté ou même les deux sont gravés à des distances quasiment égales. Fréquemment, les espaces vides, les rythmes ou les juxtapositions de lignes dessinent des dessins capricieux. © Jesús Alonso
80. Effectuée avec une grande précision sur chacune des incisives, la double perforation devait servir à passer deux fines lanières parallèles confectionnées à partir de matières premières animales ou végétales, en fixant la position de la dent, de manière à rendre visibles les incisions décoratives. © Jesús Alonso
81. Troisième collier formé d'une seule pierre perforée aux courbes douces. Son unique décor se réduit à en plusieurs lignes parallèles transversales, légèrement marquées dans la partie inférieure droite de l'une de ses faces. 82. La silhouette de cette pièce nous rappelle les contours des Vénus paléolithiques en ronde bosse dé couvertes en différents points du continent européen. La Vénus découverte à Barma Grande, Grimaldi, “Le losange”, également à Grimaldi (Italie), la Vénus I de Willendorf (Autriche), la Vénus de Kostienki (Russie) ou de Lespugue (France), ou le contour du relief de la Vénus à la corne de Laussel (France) sont quelques uns de ces spécimens. 83. A son extrémité la plus étroite, présente une perforation biconique finalisée par rotation, très régulière; dans un premier temps, on a pratiqué un travail d’évidage ou de préparation de la surface. © Jesús Alonso
84. Le choix de ce mince galet noir et brillant, pour en faire une pendeloque, devait être en rapport avec sa silhouette, l'équilibre de ses dimensions et sa texture spéciale. © Jesús Alonso
85. Comme si on les y avait déposées avec précaution, les quatorze pierres noires composant le collier de plus grande dimension que l’on ait mis au jour dans la grotte apparaissent, alignées. 86. Détail de la fouille de l'une des pendeloques. 87. Au cours de la fouille, on a mis au jour deux des pendeloques de forme allongée, superposées au niveau de la zone de la perforation, uniquement séparées par un peu plus d'un centimètre d'argile. © Xabi Otero
88. La combinaison de formes, la couleur dominante noire et les décors des pièces de ce grand collier en font une uvre unique en son genre. Le soin avec lequel il a été fabriqué nous permet d'apprécier la grande sensibilité de ces populations de Cro-Magnon du Magdalénien. © Xabi Otero
89. Proches entre eux, à pratiquement la même distance dans la plupart des cas, enveloppés dans la glaise jaune ou intercalés entre des pierres, les quatorze éléments de ce collier de la salle intérieure définissent, à mesure de l'avancement de la fouille, un tracé qui nous permet d'en visualiser tant la structuration que les dimensions. 90. Détail de trois des pendeloques du grand collier déposées sur l’argile de la salle intérieure. Il s’agit de l’une de ses extrémités. 91. Dans cinq cas, on a recouru à de petites pierres arrondies et perforées de manière naturelle pour les insérer sur les différents colliers de cette cavité. Aucune ne présente de décor. Trois d'entre elles font partie de cet ensemble. © Xabi Otero
92. Les incisions pratiquées sur les côtés des pièces montrent des compositions très variables. Certaines, comme dans ce cas, sont d'une grande richesse. Nous en ignorons à ce jour la finalité.
93. Les marques transversales sont les plus abondantes au niveau du décor. Toutefois, on ne peut manquer d’être frappés de constater que sur cette pendeloque, outre le thème signalé, ait été représenté un losange aux fines incisions. Comportant parfois à l’intérieur un trait longitudinal, ce motif se retrouve également sur des sagaies du Magdalénien. © Jesús Alonso
94. Une question que nous posent ces pendeloques est celle de l'auteur. Furent-elles l'uvre d'un seul ou de plusieurs individus? Apparemment, si nous en analysons la facture et le style, toutes pourraient avoir été créées par une seule personne, formant, en dépit de leur variabilité, une unité artistique et symbolique. 95. Dans certains cas, il n'est guère aisé de comp-tabiliser le nombre de traits que l'on a chercher à exécuter réellement. La proximité inciterait à penser qu'ils devaient être parfois le fruit de rectifications. Cependant, d'autres fois il semble que l'on ait seulement prétendu insinuer les lignes, qu'il n'y avait pas de volonté de les exécuter de manière plus explicite. © Jesús Alonso
96. Cette pendeloque présente une série de stries de fabrication autour de la perforation, et des incisions transversales sur un côté ainsi que sur l'une des faces principales. A l'extrémité inférieure de la face opposée, on observe un intense piquetage causé par la pression exercée par un objet plus dur, la pendeloque devant être utilisée comme galet de retouche ou compresseur.
97. On apprécie clairement sur cette pendeloque les changements de rythmes et les traits groupés. Toute fois, la distribution des lignes parallèles sur l'un des grands côtés est beaucoup plus régulière. © Jesús Alonso
98. On ne recherche pas systématiquement sur tous les galets la totale symétrie de la forme; de fait, un de leurs côtés est parfois nettement plus bombé ou même plus sinueux que le côté opposé. Nous ignorons dans quelle mesure le choix de ces pierres répondait aux préoccupations de l'auteur.
99. Cette pendeloque est décorée sur toutes ses faces. Mais on en observe mieux sur l'une des faces principales le développement complexe. Des signes quadrangulaires cloisonnés ou bandes horizontales parallèles de différente largeur alternent en respectant un certain rythme. Les plus étroites ne sont pas décorées et s'intercalent par une ou deux entre les bandes décorées. Parmi ces dernières, celles des extrémités présentent des incisions en oblique très serrées, tandis que sur les autres est représenté un motif réticulé créé à partir de lignes obliques tracées dans les deux sens. © Jesús Alonso
100. Diverses pendeloques présentent sur une ou deux de leurs grandes faces de fines lignes parallèles formant des bandes, généralement symétriques. Ces lignes occupent souvent la plus grande partie de la surface. Contrairement aux côtés plus étroits, l'incision pratiquée est très superficielle. 101. L'un des faits les plus saillants dans le processus de fabrication de certaines de ces pièces est l'amincissement par abrasion pratiqué dans le champ dans laquelle se situe la perforation. L'application de cette technique est fréquente dans le cas de l'industrie osseuse, mais exceptionnelle sur la pierre. © Jesús Alonso
102. Cette limonite discoïde retient l'attention par la différente coloration dans les tons verdâtres et rougeâtres, qui contrastent avec les couleurs plus uniformes du reste des pendeloques du collier. 103. Pendeloque montrant des couches de concrétion. © Jesús Alonso
104. Petit grain à perforation naturelle qui sert d'attache au collier de quatorze pièces à l'une de ses extrémités. La symétrie, que l'on distingue parfois dans les décors des pierres, se retrouve dans leur disposition sur le collier: deux limonites de forme et de dimensions très semblables, placées aux deux extrémités.
© Jesús Alonso 105. Emplacement des 14 pièces lithiques qui com-posent le collier mis au jour sur le côté est de la salle intérieure. © Xabi Otero
106. Vue intérieure partielle de la salle intérieure de la grotte. 107. Cinquième ensemble de la grotte formé par deux pendeloques en pierre, l'une offrant une perforation naturelle. Parfois, intercalés entre quelques uns de ces éléments, on peut également trouver insérées des verroteries de taille inférieure, ainsi que des graines, voire des plumes de différentes couleurs. © Xabi Otero
108. Certains des galets ne paraissent pas avoir été choisis pour la régularité de leurs formes. Plusieurs exemplaires furent collectés en raison d'une perforation naturelle que l'on pouvait exploiter. 109. Les petits traits parallèles sont pratiquement généralisés sur beaucoup de pièces. Sur celleci, cependant, on est surpris par leur régularité, leur uniformité et leur netteté. Le côté opposé, en revanche, ne présente aucune sorte de décor. © Xabi Otero
110. Parois et plafond de la salle intérieure. © Xabi Otero
111. Cette pendeloque, dont la forme rappelle nota-blement celle d'une canine atrophiée de cervidé, quoi-que sa taille soit supérieure, est décorée sur toutes ses arêtes, ainsi que sur l'une ses faces latérales de traits transversaux disposés de manière régulière. Elle compte également un décor sur le périmètre du grand côté de base. Les canines atrophiées de cerf ont été très appréciées dans les différentes cultures depuis les débuts du Paléolithique supérieur, pratiquement jusqu'à ce jour. Même si toutes n'étaient pas transformées en pendeloques. Depuis le premier jour aussi, des imitations ont été réalisées en ivoire ou en pierres de couleurs plus ou moins vives (Gatzarria, El Pendo, etc). La plupart des exemplaires naturels ou imitations sont lisses, encore que certains sont décorés, en règle générale de traits courts. L'exemplaire de La Garma présente un décor très similaire à la pièce de Praileaitz I.
112. Canine de cerf perforée de la grotte de La Garma (Ribamontán al Monte, Cantabrie). © Xabi Otero
113. Parmi les pièces sélectionnées possédant une perforation naturelle, on remarque cette dernière en rai-son de ses dimensions. Discoïde, elle présente un notable bombement sur l'une de ses faces. Elle ne comporte pas de décor. 114. La totalité des plans de cette pendeloque porte des incisions très régulières. A l'inverse de à ce qui se passe pour la plupart de celles qui présentent des décors sur leurs faces les plus larges, dans ce cas les lignes tracées sont plus profondes. Cette pièce fut découverte à l'intérieur de la grotte, pendant les fouilles. Elle était brisée en deux fragments, distants de 13 mètres l'un de l'autre. © Xabi Otero
115. On observe sur certains exemplaires que leurs extrémités sont très différentes entre elles. La partie correspondant à l'orifice présente habituellement un léger resserrement ou un amincissement, voire dans certain cas, un pointage parfois accentué aidant à perforer plus facilement. A l'inverse, l'extrémité opposée offre normalement un notable gonflement, lequel destiné à faciliter la suspension de la pierre. 116. Sur cette pendeloque allongée, de même que sur d'autres, on observe des points incisés irréguliers au niveau de la perforation, provoqués par le travail réalisé sur la pièce à l'aide d'un objet pénétrant. © Xabi Otero
117. Simplicité de cette pendeloque à part, on est frappé par son aspect naturel: un galet étroit et allongé de forme hélicoïdale, paraissant tourner sur lui même. Ce mouvement a été saisi par qui l'a récolté et même accentué par une série de traits transversaux, tracés à distance régulière au long de l'arête. 118. Nous abandonnons à regret la pénombre des salles de la grotte, pour sortir en pleine lumière. © Xabi Otero